Les Echos proposent dix raisons pour l'échec de Sarkozy. Voyons cela.

by omelette16oeufs on lundi 7 mai 2012

La façon dont la défaite de Sarkozy sera interprétée va avoir une
certaine importance pour la suite des événements. Parallèlement, on
aime utiliser le mot "échec" avec le nom de Sarkozy, et maintenant
personne ne viendra nous contredire. Sauf peut-être Valérie Pécresse,
Nathalie Kosciusko-Morizet ou l'incomparable Jean-François Copé, qui
croient encore à la réussite de leur programme, de leur héros, de leur
campagne et même à la survie de leur formation politique. En tout cas,
Les Échos ne mâchent pas leurs mots, et présentent Les dix raisons de l'échec de Nicolas Sarkozy. Voyons si on est d'accord.




  1. La simple loi de gravité politique




    Ils veulent dire un désir d'alternance politique. Je n'y crois pas du
    tout, mais c'est anodin.




  2. La dure situation économique







    La Crise : on sait. Oui, cela a joué.




  3. L'équation personnelle du candidat







    Là, on arrive dans le vif du débat : quel rôle précis attribuer à la
    personalité politique de l'ex-TGH. Les Échos expliquent :



    Dans la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait théorisé la mise sous
    tension du débat public autour de ses idées. Son énergie, son goût de
    la transgression, son hyper-présidence (à la fois concentration des
    pouvoirs et banalisation de celui qui les exerce) ont « hystérisé »
    son mandat.



    Aux yeux du monde, son énergie était admirée et son leadership reconnu
    à Washington, Berlin et Pékin. Mais aux yeux d'une partie des
    Français, son énergie est devenue négative (au sens physique du terme,
    répulsive), autre façon de parler de rejet parfois « tripal ». {« Ce
    sera très difficile parce qu'on va payer les erreurs du tout début,
    pourtant totalement secondaires} », déplorait déjà à l'automne
    Jean-François Copé, le patron de l'UMP.






    Le premier paragraphe est à peu près juste : le mandat a effectivement
    été "hystérisé", et la formule est bien trouvée : "concentration des
    pouvoirs et banalisation de celui qui les exerce". Surexposition
    médiatique (concentration du regard sur lui) ; et concentration des
    pouvoirs : à force de tout dominer en donant l'impression précisément
    de tout dominer, produit inévitablement un contre-pouvoir. Comme ce
    contre-pouvoir n'avait ni existence institutionelle (le Parlément
    comptant pour du beurre), ni existence médiatique (hors Mediapart), il
    s'est incarné chez les "vrais gens", il est devenu une "passion populaire" (comme dirait Guaino). Son erreur était de créer
    l'impression d'un excès de pouvoir.



    La lecture de notre cher Jeff Copé, en revanche, est légère : les
    "erreurs […] pourtant totalement secondaires" – il pense au
    Fouquet's et au yacht de Bolloré je suppose – ne sont que la partie
    la plus visible du problème. Rien de ce qu'a fait Sarkozy par la suite
    n'a jamais démenti l'avidité de pouvoir que ces premiers épisodes
    soulignaient. Malgré tout ce qu'on a pu dire sur le Fouquet's et le
    yacht, au moment ils n'ont pas eu d'effet sur la popularité du
    président débutant. Ce n'est qu'un an plus tard qu'il s'est effondré
    définitivement dans les sondages. L'illusion qui plaît beaucoup à
    l'UMP consiste à prétendre que ce sont deux ou trois symboles qui ont
    tout détraqué. Les "gens" (ou le Peuple Français, comme ils disent,
    avec des trémolos) ne sont pas si bêtes et auraient vite pardonné ces
    erreurs de communication si justement elles ne s'étaient pas avérées
    emblématiques d'une certaine façon de manier le pouvoir, et d'un
    narcissisme d'État qu'ils n'ont pu diagnostiquer avec certitude que
    plus tard.



    Le retard de la réaction populaire au Fouquet's et au yacht montrent
    bien qu'il s'agit d'une relecture des faits : à partir du présent, en
    2008, 2009, 2010, on remonte jusqu'au début du fil pour trouver
    l'événement originel. Le Fouquet's et le yacht de Bolloré prennent ses
    dans le "récit" de Sarkozy seulement quand on sait comment le récit se
    termine.



    Donc, Jeff : deux erreurs de comm ne suffisent pas à plomber un
    quinquennat.




  4. Des embardées difficiles à suivre







    Il s'agit là du virage à l'extrême droite et l'abandon de l'image
    "capitaine du yacht… euh… du navire". Les Échos sont assez
    charitables et attaquent seulement sur la question de la lisibilité et
    du ciblage ("difficiles à suivre").



    On minimise en disant que Sarkozy a perdu les pédales pendant les
    quinze derniers jours. Mais pour vraiment comprendre, il faut remonter
    également jusqu'en 2007, au siphonnage, puis redescendre en passant
    par Hortefeux, les quotas d'expulsions, les Roms… Parallèlement au
    reste, Sarkozy a conduit une politique inspirée des valeurs de
    l'extrême droite, justement pour se permettre ces "embardées". Donc ce
    n'était pas un hasard. Toute l'UMP était au courant et complice. Il
    aurait fallu s'en plaindre un peu plus tôt.




  5. Un nouveau mandat, pour quoi faire ?




    Oui, là c'est un gros problème de communication, mais qui est aussi la
    conséquence du décalage entre une campagne FN et un programme RPR.




  6. Un virage mal négocié







    Ici nous sommes profondément dans le territoire de la pensée
    économique de droite. Sarkozy ne serait pas allé assez loin. Il était
    déjà plombé par ses autres problèmes, à mon avis.



    A l'été 2009, deux de ses proches, Xavier Musca (conseiller économique
    puis secrétaire général de l'Elysée) et Raymond Soubie (conseiller
    social jusqu'en 2010) lui ont conseillé de changer de cap. La crise
    justifiait, selon eux, une inversion des priorités en axant toute la
    politique sur le redressement assumé de la France. Des réformes chocs
    (35 heures, compétitivité…) qui auraient été contrebalancées par
    l'abandon également assumé du « paquet fiscal ».








  7. La mauvaise foi du camp d'en face







    Je passe…




  8. La bonne campagne de François Hollande




    En effet….




  9. Une relation aux médias très compliquée




    Retour à sa personnalité et à sa communication. L'amour excessif des
    débuts serait transformé en une agressivité tout aussi
    excessive. Personnellement, j'ai plutôt l'impression que les médias
    ont continué à donner le bénéfice du doute à leur Président, et que
    s'il y a eu une évolution sur ce plan, c'est que Sarkozy lui-même
    s'est fait piéger par la sur-personalisation de son pouvoir. En tout
    cas, je rejete l'hypothèse d'une revanche des médias.




  10. Un quinquennat, c'est court







    Pas celui-là, non.



6 mai 2012

by omelette16oeufs on dimanche 6 mai 2012

François Hollande a été élu tout à l'heure. Je suis soulagé, content,
mais l'émotion réelle n'a pas encore frappé. Je pense me réveiller
demain avec un optimisme nouveau. Ce n'est que la politique, mais en
temps quelque tonalité de l'existence est en train changer.



Nous avons évité une catastrophe irrépérable. Nous avons aussi la
chance d'avoir, avec François Hollande, un président si différent de
Nicolas Sarkozy. Pendant cinq ans, ou plus, on finit par croire que la
courbe de l'histoire va toujours dans le sens de plus d'hypocrisie,
plus de manipulation, et qu'il faut, pour vaincre, jouer le jeu. Je ne
m'attendais pas à cette issue, avec un président qui renverse le jeu,
qui fait une force du fait de ne pas être habile comme son
prédécesseur. La courbe va dans un nouveau sens, je ne sais lequel. On
verra. On est content.



Demain je prendrai la mesure d'aujourd'hui. Je salue quelques amis ce
soir, parce que des soir comme celui-ci n'arriveront pas
souvent. Merci donc à Juan, Marc, Dagrouik et puis tous les
Leftblogs. Vous avez fait beaucoup.

Précarité et modèle social : une idée

by omelette16oeufs on samedi 5 mai 2012

Fin de campagne oblige, je ne vais pas pester contre l'un ou l'autre
des candidats présidentiels. Peut-être grâce au cessez-le-feu, j'étais
en train réfléchir au système social français, de manière un peu
détachée. Je venais de lire ce papier dans The Economist qui parle du
chef de la BCE, Mario Draghi, et le cocktail d'austérité et de
croissance qu'il recommande pour l'Europe. J'ai lu aussi cet édito du
Monde, où est exprimé le regret que la campagne présidentielle n'a
pas permis d'engager le débat sur les vraies questions de
mondialisation, de l'international en général. Ils n'ont pas tout à
fait tort : la focalisation sur la personalité de Nicolas Sarkozy
(focalisation souhaitée par l'intéressé) et sur la question de
l'extrême droite et ses thèmes (souhaitée par le même candidat) ont en
effet dominé la couverture médiatique, et par conséquent la réalité
couverte.



Dans Ze Economist on lit ceci :



Instead Mr Draghi’s version of a growth compact would accomplish three
things. First, he wants more progress with structural reforms, in
product as well as labour markets, not least since enhancing
competition between firms is often the precondition for greater labour
flexibility. Second, he advocates more investment in infrastructure at
the European level and backs a better mix of fiscal retrenchment,
focused more on cutting current spending than on axing investment and
raising taxes.






Si comprend bien, le growth compact devrait accompagner la Règle
d'Or, pour complèter l'austérité par des mesures destinées à stimuler
la croissance et améliorer la compétitivité des entreprises
européennes. Ce qui m'a retenu, c'est la nécessité de "réformes
structurelles" aussi bien dans le "marché des biens" que celui du
travail. Au moins on admet que le droit du travail n'est pas l'unique
obstacle au bonheur, et que les connivences et les monopoles nuisent
autant à la productivité. C'est bien, même si évidemment Draghi n'est
pas non plus un mélenchonien.



Je pense donc aux "réformes structurelles" et à ce marché du
travail. Depuis cinq ans, le mot "réforme" me met automatiquement en
état d'alerte. Mais réfléchissons quand même.



Voici en tout cas mon idée, ma proposition. J'imagine qu'elle a déjà
était faite, mais tant pis, je fonce : le niveau de prélèvement sur le
travail devrait être inversement proportionnel à la durée et à la
stabilité de l'engagement. Tout emploi moins stable qu'un CDI aurait
un taux de prélèvement supérieur. La logique étant qu'une entreprise
qui embauche pour des courtes durées doit payer plus cher pour
compenser la précarité qu'elle impose au salarié.



Si on pense réellement en termes d'assurance chômage, c'est évident
que le risque de chômage est beaucoup plus élevé pour un salarié qui
n'a qu'un CDD de quelques mois. L'assurance devrait logiquement
coûter plus cher, et c'est, il me semble, approprié que ce soit
l'entreprise qui supporte le coût du risque, puisque c'est elle qui
bénéficie de la souplesse de l'engagement.



Autrement dit, la précarité devrait avoir un prix. Ou encore, du point
de vue de l'entreprise : la souplesse deviendrait quelque chose qu'on
achète, en même temps que le travail. Dans le système actuel, la
précarité (ou la souplesse) ne coûte rien à l'employeur, à la
différence de l'emploi stable ; c'est donc dans son intérêt
d'augmenter la précarité à chaque occasion, avec pour conséquence les
CDD à répétition avec leurs effets néfastes pour tout le monde,
salarié et entreprise. Si l'entreprise compensait, en argent, la
précarité (ou la souplesse), l'équation serait modfiée : quand la
souplesse était essentielle (pour telle ou telle raison), l'employeur
en aurait la possibilité, mais aurait intérêt à limiter de telles
solutions. En faisant appel au travail précaire, l'entreprise
participerait davantage à la solidarité nationale et à l'équilibre des
comptes.



Et tout le monde serait content.



Enfin, voilà l'idée. J'aimerais entendre pourquoi c'est une mauvaise
idée.

L'Axe du Mal

by omelette16oeufs on vendredi 4 mai 2012

À Nicolas Sarkozy, en briseurs de digues, en dépuceleur de pudeurs
Républicaines (on ne dit plus "droite décomplexée" mais "droite
dépucelée"), il ne manque que du temps, le temps d'aller assez loin
pour atteindre enfin le coeur de l'électeur xénophobe. Sûrement il y a
quelque part une formule magique qui débloque le Niveau 9 du jeu, où
soudain le compteur explose et enfin tous les électeurs de Marine Le
Pen l'acceuillent bras ouverts, le couvrent de bisous et le portent en
triomphe vers l'Élysée. Il fait siffler les journalistes, les élites,
mais ce n'est toujours pas assez. Que faut-il dire ? Quel bouc
émissaire ? Quelle formule pour enfin être assez droite ? Il
cherche. Buisson cherche. Guéant cherche. Ils n'ont plus que quelques
heures.



Pendant que Patrick Buisson relit une énième fois les oeuvres
complètes de Pierre Laval, je rappelle que l'un des enjeu du scrutin
de dimanche sera la validation de cette stratégie. C'était ce que je
disais hier, et la confirmation que la France est profondément à
droite, profondément xénophobe.



Cela dit, l'échec de cette stratégie, dont la courageuse défection de
François Bayrou est l'une des premières conséquences concrètes, tient
surtout, il me semble, à la nature particulière du vote d'extrême
droite, et l'illusion d'une extrême droite "fréquentable". Il n'y a
plus de skins, l'antisémitisme est passé au second plan (une
révolution en soi, je l'accorde), mais encore aujourd'hui, voter FN,
voter Marine Le Pen, c'est une forme de violence électorale. Et c'est
précisement cette violence que la famille Le Pen vend à ses clients
depuis des décennies.



On imagine un UMP futur (j'en parlais àpropos de Charles Millon et sa "La Droite") qui réaliserait de façon permanente du "siphonnage"
de 2007. De la même façon, Sarkozy rêve de convaincre tous les
électeurs du FN de voter pour lui dimanche. Peu à peu la violence
surgit, pour l'instant contre des journalistes (celle-ci et
ceux-ci). Mais cette stratégie ne peut pas tenir longtemps, car pour
survivre il faudrait qu'elle embrase l'UMP tout entière. L'Axe du Mal
de la droite devra assumer, ingérer intégralement cette violence pour
la contenir. La seule autre solution étant la violence permanente
d'État.



Votez. Votez. Donnez à François Hollande la marge qui signifiera
longtemps que la course à l'outrance de Nicolas Sarkozy sera toujours
un échec.



Votez. Votez. Votez.

Obligation de nuire : un deuxième quinquennat avec Sarkozy serait pire que le premier

by omelette16oeufs on jeudi 3 mai 2012

Le débat d'hier soir semble avoir remis les pendules à
l'heure. François Hollande a brisé l'élan du Très Grand Homme (TGH),
cet élan artificiel qui allait de l'anniversaire de Julien Dray, au
Trocintox où étaient présents au moins 60 millions de français
(certains DOM se sont déplacés intégralement). Le spectre d'un Nicolas
Sarkozy capable de manipuler sa propre image commençait à refaire
surface, et on pouvait se laisser aller à imaginer que pendant au
moins quelques heures, dimanche, une proportion suffisante d'électeurs
seraient hypnotisés en allant au bureau de vote pour que le TGH
renverse in extremis son impopularité qui dure pourtant depuis
années.



Le danger immédiat semble écarté, et même le projet de l'UMP de faire
appel à la Patrouille de France pour remorquer un DSK (nu) gonflable
au dessus Marseille, Lyon, Paris et Lille ne devrait plus avoir
l'effet escompté.



Cette confiance restaurée ne devrait pas, pourtant, nous détourner de
ce qu'une victoire de Sarkozy representerait. Petite mise au point,
prenant en compte les développements de la dernière semaine.



Une réélection de Nicolas Sarkozy serait tout d'abord la validation de
tout ce qui s'est passé depuis cinq ans. Je vous épargne
l'énumération. Je pense notamment à ce qui a été fait aux étrangers,
aux Roms. Plus encore, c'est la forme des institutions et leurs
comportements qui serait consacrée. La perversion présidentialiste
avec suppression du gouvernement, la centralisation des pouvoirs, la
mainmise sur l'audiovisuel, toutes ces audacités qui auraient pu
n'être que le fait d'une paranoïa narcissiste individuelle,
devendraient de véritables traditions. En 2017, il serait trop tard
pour revenir dessus, ou en tout cas ce serait alors une véritable
révolution, nécessitant une volonté politique beaucoup plus
importante. (Il faudrait sans doute passer carrément à une VIe
République pour effacer dix ans de Sarkozy.)



Tout cela était déjà sur la table, dès lors que Sarkozy se lançait
dans la course cette année. L'absence de programme et le fait de ne
proposer que l'austérité laissent supposer que la situation économique
Européenne servirait de prétexte pour un renouvellement de la casse
des services publics, du droit du travail, du système social. Non
seulement les efforts dans ces domaines précédents du TGH auraient été
validés (car Sarkozy n'aurait payé aucun prix politique), mais La
Crise justiferait d'aller encore plus et plus vite.



Pire encore (à mon avis), si le fait de se vautrer devant les
électeurs de la droite franchement xénophobe (par opposition à l'UMP :
la droite hypocritement xénophobe) ne comporte aucun prix politique à
payer, Nicolas Sarkozy aurait non seulement un mandat, mais presque
une obligation d'aller beaucoup plus loin dans la pratique réelle des
ses idées xénophobes. La leçon qu'il aurait apprise ("j'ai appris",
n'est-ce pas ?), c'est que Hortefeux, Besson et Guéant n'en ont pas
fait assez, qu'ils n'ont pas pu se débarasser de leurs "pudeurs de
pucelles" (comme dirait Patrick Buisson, censé néanmoins être fan de
La Pucelle). De 2007 à 2012, la stratégie de Sarkozy consistait à
faire une politique réelle orientée sur les grandes entreprises et la
"libération du capitalisme", tout en procédant à des mesures odieuses
mais essentiellement symboliques. Voyant que cette approche lui avait
presque coûté l'Elysée, un Sarkozy réélu serait obligé de trouver les
moyens d'accelérer, en trouvant de nouvelles manières de signifier sa
xénophobie en ne laissant aucun doute s'installe chez ceux qui serait
tentés de voter Marine. La stratégie à long terme consisterait de
siphonner définitivement le Front National en intégrant à la fois ses
électeurs et ses idées dans l'UMP. J'ai des doutes sur la viabilité
d'un tel Axe du Mal, mais pas de doutes sur le fait que Sarkozy
tenterait de le réaliser s'il en avait l'occasion.



Bon… François Hollande a tenu le coup pendant le débat ; nous avons
vu l'affaissement progressif de la mine de Sarkozy tout au long de la
soirée. Espérons qu'en trois jours nous n'aurons plus à penser à
toutes les horreurs que j'ai alignés ici.

La "vraie" différence est quand il n'y a pas de différence

by omelette16oeufs on lundi 30 avril 2012



« Je n’accepterai pas qu’il n’y ait plus aucune différence entre être
français et ne pas l’être »



– Nicolas Sarkozy, meeting de Toulouse, 29 avril 2012






"Je n'accepterai pas", ou plutôt "j'accepterai pas" (nuance cruciale,
cette syntaxe décomplexée), c'est une formule fétiche du Très Grand
Homme (TGH). Elle est commode, car elle n'implique aucune action. Si
la chose visée ne peut pas être arrêtée, le TGH peut continuer à "ne
pas l'accepter" (ou à "pas l'accepter"). Il a beau "pas accepter" le
chômage, par exemple, il est toujours là. "(Ne) pas accepter" est un
état sans date d'expiration. On continue à "pas accepter" jusqu'à ce
que les gens oublient. C'est de la résistance bon marché, qui ne
mange pas de pain, et qui "passe bien en meeting". Ou à la télé, dès
fois.



Être français ou ne pas l'être, ce serait la question. Sous prétexte
de défendre "la différence" (valeur de gauche), Nicolas Sarkozy entend
écraser la différence à l'intérieur de la France. Si les français sont
trop différents les un des autres, certains (devinez qui) risquent de
ressembler plus à des citoyens d'autres pays qu'à leurs compatriotes
français de France. La "différence française" est donc une absence de
différence chez les français. Se promener un peu trop en djellaba,
c'est risquer de ressembler plutôt à un Africain qu'à un
Français. Par là, j'entends bien sûr : un "vrai Français".



Ou est-ce plus subtile encore ? C'est un moderne, notre TGH, et il
aime tout le monde. Ayons un peu moins de mauvaise foi. Admettons
qu'on puisse quand même garder sa djellaba si on conserve cette marque
de francitude intrinséque qui permet de faire le tri, parmi les
porteurs de djellaba, entre les français et les Autres. Reste à savoir
trouver cette marque : la langue de Molière ? Oui mais non, car il y a
des pays étrangers où l'on parle très bien le français, les
anciennes colonies par exemple. C'est le même problème avec la
culture, finalement. Quelle idée ils avaient, quand ils ont déclaré
que tous les indigènes dans les colonies étaient des Français,
citoyens de la République ! . Si seulement les gens avaient un code
barre quelque part, ou des RFID : on pourrait faire le tri quand ils
entraient ou quittaient des magasins… Des test ADN peut-être ?



Ce serait quand même beaucoup plus simple de supprimer la
djellaba. D'ailleurs avec la burqa et le voile cela a très bien
fonctionné.



La Nation est le reflet de cette différence irréductible. Avec trop de
différence entre les français (voir plus haut la djellaba) supprime la
Nation, trop de différence supprime la différence Française et rend la
France moins France Forte. Si vous laissez trop accumuler la
différence dans la France, il n'y a plus de différence entre la France
et la Pas-la-France. C'est pourquoi on a besoin de l'Europe, même si
l'Europe fait partie de la Pas-la-France, c'est une Pas-la-France qui
aide la France à lutter contre la Pas-la-France.



Et si ce n'est assez, lisez cet éxcellent édito d'un journal qui parle
français mais qui n'est pas Français, mais qui résume très bien les
subtilités de cette pensée. C'est ici.

Difficile de faire campagne quand on n'a rien à dire

by omelette16oeufs on dimanche 29 avril 2012

Ce sera bref.



Depuis vingt-quatre heures, ou un peu plus, Nicolas Sarkozy semble
soulagé d'avoir un sujet sur lequel il peut railler la gauche. DSK
est parfait, car bien sûr il y a du sexe, ou il y en avait, et donc
les médias relaient, les gens écoutent. Un bon sujet pour quelqu'un
comme Sarkozy. Le fait que la réalité de l'affaire, c'est qu'une sorte
d'entretien a été publié, plus des bonnes feuilles qu'un entretien
d'ailleurs. En somme, il ne se passe rien, ou presque, mais cela
n'empêche pas la campagne Sarkozy de réagir : fortement, vivement,
déspespérément, maladivement.



C'est frustrant de ne pas pouvoir utiliser les boules puantes
préparée pour la candidature de Dominique Strauss-Kahn. C'est facile
de les comprendre : ils veulent utiliser le thème quand même, bien que
cela n'a aucun rapport avec la campagne.



Jeudi, sur France Inter, le Très Grand Homme (TGH) passait son temps,
perdait son temps, dans des détails, sur Marianne et les "700
mosquées" (version 2012 des chars soviétiques sur le Champs-Elysée),
sur des broutilles. Ce n'était pas l'homme qui avait un message, qui
était habité par un désir de communiquer. Il voulait simplement
occuper l'espace médiatique, faire des remarques ironiques et
condescendates, autrement dit : exister.



L'impression qu'on finit par avoir, c'est que son vrai problème est un
manque de choses à dire. Le programme était risible. Les thèmes qui
auraient pu être les siens, la crise et l'Europe, il les a
abandonnés. Quand il fait du sarko-marinisme, il n'est pas crédible,
et il finit par le sentir. Pour finir il faut meubler, sauter sur la
moindre occasion de faire du bruit en réagissant à l'actualité de
façon improvisée.



Sa campagne se résume donc à :




  • Xénophobie ;


  • Dire du mal de Hollande et "les socialistes" ;


  • Lui.





Par "Lui", je veux dire : le ton de sa voix, ses mimiques, son côté
sympa avec les journalistes qui lui servent la soupe. Comme si cela
devait nous suffire de le voir respirer, sourire, faire des grimaces,
s'énerver, rigoler ; comme si en occupant ainsi la scène, le message
de son absence de message finirait par prendre.

UMP : Soudain, comme ça, Sarkozy est devenu xénophobe ?

by omelette16oeufs on samedi 28 avril 2012

Il y a désormais un consensus médiatique : Nicolas Sarkozy court après
le Front National, pille son programme, est parti dans une "course à
l'échalote". La chose est admise, par les médias et par un certain nombre de membres de la majorité. La course après le Front National
existe désormais aux yeux du plus grand nombre. Seul Sarkozy lui-même
peut encore nier, avec sa fausse naïveté siropeuse habituelle, qui
lui permet de dire une chose et son contraire selon les publics.



En préparation pour le cataclysme annoncé, une partie de l'UMP
commence tout doucement à prendre ses distances avec son candidat et
ses excès. L'Express, par exemple, nous dit que "Gaullistes,
centristes, humanistes… Tous tiennent à rappeler que l'UMP n'est pas
qu'une droite qui fait la course au FN."



Peu à peu, les "modérés" de l'UMP semblent prendre leurs distances. On
rend Patrick Buisson responsable de tout. C'est un gourou qui aurait
hypnotisé le Très Grand Homme (TGH) :



« C’est un gourou total! Il a une influence irrationnelle sur le
président, qui l’appelle trois fois par jour », raconte, dépité, un
membre de l’équipe de campagne.






Surtout, les "grands" de l'UMP, ceux qui souhaitaient une campagne
avec un vrai capitaine, une vraie barque et une vraie tempête, voient
dans Buisson l'explication de leurs ennuis actuels :



Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le chef du
gouvernement, François Fillon, accuseraient même Patrick Buisson
d’avoir favorisé l’extrême droite au premier tour. "Voilà où Buisson
nous a conduits, râle Alain Juppé le 22 avril au soir, selon 'Le
Canard Enchaîné'. Il devait faire baisser le Front et Marine Le Pen
fait 1,6 million de voix de plus que son père [en 2002, NDLR]".






C'est la faute à Sarkozy, mais encore plus la faute à Buisson, avec
ses pouvoirs occultes, qui aurait poussé son Président dans une sorte
de démence.



Après l'élection les couteaux vont sortir et nous verrons beaucoup de
créativité dans les manières de prendre de la distance vis-à-vis de
Nicolas Sarkozy. Le culte de l'homme fort, et la peur d'être designé
comme responsable de la défaite suffisent à tenir presque tout le
monde. Bientôt ils vont pouvoir chanter tous : "ce n'était pas nous,
nous on est les gentils". (Enfin pas tous : il y a aussi ceux qui ne
rêvent que d'avoir l'occasion de partir d'un virage droitier sans
retour. Ils suivront leur chef sans doute.)



Donc, à tous ces humanistes, modérés, "vrais gaullistes", adultes
responsables, républicains "authentiques", je voudrais simplement
suggérer que c'est un peu tard de se réveiller, et que cela fait cinq
ans que dure la dérive droitière, xénophobe et anti-républicaine de
Sarkozy. Et je voudrais suggérer que cela ne dérangait personne à
l'UMP tant que leur "soupe" n'était pas menacée par une défaite, qu'il
n'y a pas eu beaucoup d'objecteurs de conscience parmi leurs rangs. Je
voudrais surtout leur faire comprendre que ce n'est pas en criant
"Patrick Buisson ! Patrick Buisson !" qu'ils vont pouvoir se laver de
tout ce qu'a fait Sarkozy à cette République dont ils se réclament.



Ce qui se passe actuellement n'est que le dévoilement au grand jour de
ce qui se prépare depuis cinq ans, ou davantage encore. Un coup
d'accelérateur juste en arrivant devant le mur, mais pas un coup de
volant. L'UMP modéré a-t-il oublié Hortefeux, Besson et Guéant ?
Patrick Buisson avait-il mangé les cerveaux de ces augustes défenseurs
des droits de l'homme avant de réussir à atteindre les sept cerveaux
de Sarkozy ? Le pacte avec le diable fut réalisé en 2007, ou avant,
quand l'UMP a réussi à siphonner les idées du Front National. Le
"diable" ce n'est pas le FN, ou la famille Le Pen, mais leurs idées,
qui salissent tous ceux qui les reprennent.



N'essayez donc pas, chers "modérés", de vous détacher soudain de
Sarkozy. Vous étiez là, vous étiez au courant, vous avez profité. Pour
être humaniste il fallait se réveiller plus tôt.

Trop d'étrangers ? Répondre à une question piégée

by omelette16oeufs on vendredi 27 avril 2012



Avez-vous arrêté de battre votre femme ?



Euh… je n'ai jamais…



Oui ou non ! Pas d'esquive !






Pujadas, hier soir, pose encore à François Hollande la question : "y
a-t-il trop d'étrangers en France ?" Hollande dit, une fois de plus,
qu'il n'expulserait pas les étrangers en situation régulière, mais
expulserait ceux en situation irrégulière. Pujadas le presse sur sa
"conviction" ou son "sentiment" intime : "trop d'étrangers ?"



François Hollande ne veut pas répondre "non, il n'y en a pas trop",
sachant qu'aussitôt la droite l'accusera de vouloir les portes à
"toute la misère du monde". Il ne va pas quand même dire "oui, il y en
a trop", justifiant ainsi tous les fantasmes xénophobes de la majorité
anti-républicaine de l'UMP. Et le format télévisuel, les exigences de
la communication ne permettent pas à Hollande d'expliquer que la
question est terriblement biaisée, piègée et sortie tout droit de la
rhétorique sarko-mariniste. (Voilà un concept : le
sarko-marinisme. Seulement cinq réponses sur Google pour l'instant.)



Bien évidemment, la question, débarrassée de sa fausse naïveté, est
plutôt : "est-ce que notre problème, ce n'est pas l'excès d'étrangers
?" En poussant, on remplace "étrangers" par "immigrés" (la question
c'est "l'immigration" après tout), on ajoute un peu de "halal", un peu
du "vote communautaire", une dose de "Tariq Ramadan" et la
triangulation thématique s'enclenche. Plutôt que parler des flux
migratoires nous sommes en train parler, encore une fois, de la place
de l'Islam dans la société.



Hollande répond effectivement en refusant la question, sans pour
autant dire qu'il la refuse. Il essaie de prendre de la hauteur, il
parle en homme d'État : expulser ou ne pas expulser ? Le
téléjournaliste veut de l'émotion, du sentiment, veut finalement qu'il
se place dans la dimension sarkozyste, ce monde imaginaire, celui du
petit village français, où tout est symbolique et où la réalité
importe peu. Hollande évite de se laisser entrainer sur ce terrain et
c'est tant mieux. Le prix à payer, du moins aux yeux des journalistes,
c'était de sembler "esquiver" la question, et de tomber dans l'un des
autres éléments de langague de l'UMP.



La journaliste du Monde sur le plateau n'hésite pas à enfoncer le
clou, et c'est ce qui apparaît dans le résumé que le journal
publie ce matin :



Le candidat PS, qui passait le premier, s'est efforcé de se poser en
opposition à son adversaire et d'apparaître aussi "présidentiel" que
possible, même s'il a parfois donné l'impression d'esquiver.






Si c'est le prix à payer, tant pis. Je garde le regret, cependant, que
le candidat n'ait pas explosé la question elle-même. C'est toujours
plus facile de trouver des réponses après coup. Voici la mienne :



Trop d'étrangers en France ? Vous voulez dire : est-ce le problème de
la France qu'il y a trop d'étrangers ? Le candidat sortant, comme
d'ailleurs la candidate du Front National, voudraient nous faire
croire que les "immigrés" sont la cause de tous nos problèmes, le
chômage, les déficits de nos comptes sociaux. C'est une manière de
nous détourner des vrais problèmes et des vraies solutions. C'est ça
l'esquive.




Edit: Voir le billet de Dagrouik publié presque simaultanément.

Les électeurs du Front National et la gauche

by omelette16oeufs on mercredi 25 avril 2012

Depuis longtemps, sur ce blog, je fustige la xénophobie et son
exploitation par le pouvoir sarkozyste. Puisque je parlais de Sarkozy,
de l'UMP, d'Hortefeux, Besson et Guéant, et surtout de la
communication et des idées, je ne me suis pas préoccupé de ceux qui
vote réellement pour Marine Le Pen. Ce qui m'interessait, c'était la
responsabilité des responsables politiques qui exploitaient certains
sentiments.



Et avant de commencer, il faut savoir que je crois beaucoup à la
dimension pédagogique des discours politiques. Sarkozy et Le Pen ne
s'alignent pas sur une xénophobie qui est simplement là déjà ; ils
apprennent à leurs électeurs à être xénophobes, à comprendre
l'ensemble des questions sociales et économiques à travers la lentille
de l'islamophobie, qui a remplacé l'antisémitisme dans les rouages du
populisme de droite.



Cela ne veut pas le racisme et la peur de l'autre n'existeraient pas
sans Sarkozy et la famille Le Pen. Le rôle est de valider,
d'encourager ce sentiment, de le nourrir et d'enrichir son application
à une vision du monde. Ainsi va le trafic des raccourcis habituel :
insécurité ? immigation ; chômage ? immigration ; déficits ?
immigration ; Europe ? fermer les frontières (ou sortir de
l'euro). Tous les bouleversements des vingt dernières années --
mondialisation, désindustrialisation, deuil des Trente Glorieuses --
sont remplacés dans ces représentations par un équivalent en
carton-pâte où tout tourne autour de la figure de l'immigré et la
nostalgie d'un passé d'avant la décolonialisation. (Car, comme je l'ai
dit tant fois déjà, "l'immigré" qu'on voudrait empêcher de penétrer
dans l'espace Schengen, est en fait ce Français dont les grand-parents
sont nés au Maghreb.)



Mais les électeurs eux-mêmes ? Et Hollande et le PS, que doivent-ils
faire devant ce 19% ? Aujourd'hui Marc Vasseur touittait ceci :



à la louche FN : 1/3 fachos (un peu moins je pense) 1/3 réac droitards
1/3 déclassement/oublié (un peu plus)






Cela me paraît assez raisonnable. (Voir aussi ZeRedac.) Ce qui
voudrait dire que la différence entre un FN à 12% et un FN 19%, c'est
ce gros tiers qui, si tout était transparent et logique, ne serait pas
à sa place chez Le Pen.



La démarche de Hollande me semble parfaitement claire et justifée à
cet égard :



Sur l'immigration, j'ai dit ce que j'avais à dire. Je m’adresse à ceux
qui ont fait le choix et qui l'ont fait par colère, par frustration,
souvent des ouvriers, des employés, à ceux qui connaissent le
chômage. Et quand vous regardez une carte sur le vote FN et une sur le
chômage, vous avez parfois coïncidence. Je ne dois pas les laisser de
côté.






Mais le message peut-il passer ? C'est là que revient le problème
"pédagogique". Hollande a beau dire : si on combat la précarité, vous
allez être mieux, vous aurez moins peur de l'Islam. Celui qui a
ainsi succombé aux mystifications du Front National ne peut plus
comprendre les choses ainsi, et ne croit pas de toute façon à la
capacité des instances politiques de résoudre ses problèmes
concrets. Reste donc l'immigré comme "problème" fantasmatique, dans
une immédiateté qui prend le dessus sur les subtilités de la
macroéconomie.



Il y a donc un effort à faire envers ceux que Marc désigne par
"déclassement/oubliés", un effort de communication, certes, mais c'est
seulement sur le long terme. L'État Français et le Front National,
ensemble, font leur propre "pédagogie" depuis cinq ou dix ans, pour le
premier, et des décénnies pour le second. Il sera difficile d'effacer
cela rapidement.



Pour la droite (ancienne droite républicaine), les choses sont plus
compliquées encore, ce que montre le très fort rejet de Nicolas
Sarkozy, justement chez les électeurs de l'extrême droite. On parle de
44% seulement de report de voix en faveur de ce dernier. C'est
faible. Le succès de Sarkozy en 2007 était fondé dans l'illusion qui
consiste à faire croire que les défenseurs du grand capital vont
améliorer la vie des déclassés simplement en chassant les Arabes. La
dérive actuelle du chef de l'État montre que pour maintenir
l'illusion, il doit aller de plus en plus loin dans le sens de la
xénophobie. Comme un héroïnomane qui sans cesse besoin d'augmenter sa
dose. Chantons avec Carla : tu es ma came….

Sarkozy, un homme faible

by omelette16oeufs on mardi 24 avril 2012

Sarkozy est en train de rater sa sortie.



Il a été dit suffisamment que son mandat ne laissera aucun symbole
positif, genre abolition de la peine de mort ou même suppression du
service militaire obligatoire. Le passif en revanche est assez
lourd. Les adorateurs fidèles pouvaient encore espérer que la ligne
"il a obéi tranquillement à Merkel pendant la crise" assurerait à
leur héros au moins une image de grand homme d'État.



Il pouvait perdre tranquillement et même se dire victime collatérale
de la crise qui a balayé tant d'autres chefs d'État européens. Il
pouvait tenter de sauver les meubles en se montrant à la hauteur,
digne.




Dupont : Nous bander les yeux ?… Jamais de la vie : un Dupont veut
voir la mort en face…



Dupond : Je dirais même plus : un Dupond veut voir la fort en masse !…






Mais non. Il sera de ceux qui s'aggrippe à leur fauteuil jusqu'au
dernier moment, comme il gardait le stylo roumain. Ne rien
lâcher. Parfois, Monsieur le P., le brave est celui qui sait
renoncer. Sarkozy est en train de parfaire le portrait que l'on
gardera de lui : celui qui était toujours prêt à s'abaisser pour
plaire. Souvenez-vous de ses discours siropeux à Washington, Londres
et Rome où s'est senti le besoin de séduire les plus forts, même
parfois contre son propre pays. Il n'est pas difficile d'imaginer que
son ascension fulgurante dans les rangs du RPR était due à cette
tendance à flatter ses supérieurs.



Manque de chance (mais c'est plutôt karmique) : le dernier "plus fort"
auquel il aura affaire pendant son mandat, ce sera les électeurs du
Front National. Et comme d'habitude, son intérêt personnel va prendre
le dessus. Il est difficile de dire qu'il sert encore une cause, tant
il est prêt à trahir les idéaux qu'il était censé défendre. La seule
cause qui reste est la sienne, et pour l'avancer il part séduire les
électeurs de l'ennemi héréditaire du mouvement gaulliste, en donnant
des gages de crédibilité républicaine à cette force de mystification
qui trafique le malheur des gens avec une illusion xénophobe
fondamentalement dangereuse, fondamentalement et irrévocablement
anti-républicaine.



C'est la dernière "France" qui lui reste à séduire. Il n'hésite pas,
il se lance, s'abaisse, nous rabaisse en même temps, détruit ce qui
lui restait de crédibilité historique dans la vaine tentative de
grappiller quelques points. Bassesse, faiblesse, petitesse,
mesquinerie, narcissisme.



Si c'est bien cette image que l'histoire gardera de Nicolas Sarkozy,
il aura tout fait pour la mériter.

L'échec de Charles Millon

by omelette16oeufs on lundi 23 avril 2012

Les plus jeunes parmi vous ne se souviennent de Charles Millon, UDF,
droite catho (pro-peine de mort, anti-avortement), ministre de la
défense sous Chirac. Aux élections régionales de 1998, en Rhône-Alpes,
il se retrouve dans la position de Nicolas Sarkozy aujourd'hui : il
avait besoin des voix du Front National pour garder le conseil
régional. Peu après (et après son exclusion de l'UDF, due notamment à
François Bayrou ; Madelin quitte l'UDF en même temps) il fond son
propre "mouvement", La Droite. L'idée était que la droite dite
républicaine ne devait pas se priver du Front National, puisque
celui-ci faisait naturellement partie de La Droite.



L'épisode des régionales 1998 a été le début de la dégringolade
personnelle de Millon. L'idée d'une grande droite allant de Hitler à
de Gaulle et même jusqu'à Tocqueville, n'est pas morte pour autant.
C'était la droite décomplexée avant l'heure, et on peut être certain que
Millon n'était pas le premier à regarder les resultats en se disant
que si on additionnait les scores RPR, UDF et FN, la droite, ou La
Droite, serait imbattable pour toujours. Ou du moins pour mille ans,
ou quelque chose comme ça.



Si Nicolas Sarkozy, ainsi que les inséparables Copé et Fillon, se
retrouvent depuis hier dans la même position que Millon, il y a
plusieurs différences importantes, la première étant qu'ils ont à
séduire des électeurs et non pas des élus, comme c'était le cas pour
Millon. La seconde, c'est que depuis cinq ans, c'est déjà La Droite,
ou sa réincarnation, qui gouverne la France, Sarkozy se faisant élire
sur un programme faisant la synthèse idéologique de l'UMP et du FN. Il
n'y a pas de sens de parler d'une coalition pour une élection
présidentielle, mais l'élection de 2007 y ressemblait fortement, sur
le plan des idées sinon sur celui des personnes.



Depuis 2007, Sarkozy, Besson, Hortefeux et Guéant ont fait ce qu'ils
pouvaient pour mener une politique qui devrait plaire au Front
National. La synthèse n'était pas seulement dans les mots



La question devant les électeurs cette année est donc : veut-on
reconduire La Droite ? L'échec du premier tour, avec le retour massif
des électeurs FN vers leur pays d'origine (on les aime, mais on les
aime chez eux), signe l'échec de cette stratégie et l'échec de l'idée
même d'une Grande Droite.



Le problème, c'est que ce qui motive le Front National, son moteur
xénophobe, n'est pas compatible avec la droite conservatrice. Je ne
parle même pas de compatiblité avec la République. (Nous sommes
décomplexés maintenant, n'est-ce pas ?) L'électeur xénophobe, pour
diverses raisons, veut toujours plus, et n'a rien à faire justement de
défendre le capital. Il est tout sauf conservateur. J'écrivais l'autre jour :



Maintenant que Sarkozy a cinq ans de bilan derrière lui, que les
xénophobes souffrent tout autant de leur xénophobie, qu'il n'est plus
possible de promettre de tout faire péter ("pourquoi ne l'a-t-il pas
déjà fait ?"), il ne peut plus générer cette charge émotionnelle qui
fait rêver les oppressés de leur race. C'était prévisible,
d'ailleurs. Et maintenant, pitoyablement, il doit prononcer les mots :
"venez avec moi, on trouvera des 'solutions'". Mais le malade ne veut
pas d'une "solution", sinon il ne serait pas malade. Il veut tout
faire péter, comme toujours.






L'électorat du Front National ne veut pas du système, ne veut pas de
la réalité, ne veut pas de l'UMP, ne veut même pas des mesures de
Claude Guéant, aussi odieuses qu'elles soient. (Individuellement, les
électeurs se trompent, arrivent entre les mains de Marine pour
diverses raisons, plus ou moins bonnes. Ce ne sont pas tous des
enragés : je parle plus des idées que des gens qui sont attirés par
les idées. Le drame aujourd'hui c'est que presque vingt pourcent des
électeurs souhaitent se mettre hors du jeu.)



Donc La Droite ne marche pas, et ce n'est pas à cause des grands
principes républicains bafoués. Même décomplexée, La Droite ne marche
pas parce qu'elle se fracture de l'intérieur. Elle ne marche pas parce
que le Front National n'y retrouve aucun intérêt.

Chers gauchistes : le vote réel

by omelette16oeufs on vendredi 20 avril 2012

La Ve République, et à plus forte raison sa version post-septennat, et
encore plus la version peoplisée, focalise toute notre et notre
énergie sur une seule élection pour choisir un seul bonhomme. Les
coalitions sont impossibles. On est censés se reconnaître en la
personne de l'homme providentiel que nous choisissons parmi les dix
hommes (et femmes) providentiel(le)s. Le système favorise les
manipulations et les brouillages entre personalité, image et
politique. Mais c'est comme ça. J'en ai parlé l'autre jour.



La tentation, donc, pour le vrais gauchistes, est de profiter de
l'occasion pour s'exprimer, dire que les réalités sur lesquelles est
fondé le discours politique qui passe pour "raisonnable" déforment les
représentations, limitent nos options, tuent la politique. Moi-même je
ne suis pas insensible à ces analyses, surtout pour leur dimension
critique. C'est comme le marxisme : il reste un excellent instrument
de diagnostic, mais un horrible instrument pour réparer les torts
qu'il identifie si bien.



Le problème c'est que, en dépit de tous les beaux principes démocratiques
(et surtout individualistes, voire romantiques), si vous utilisez
votre vote dimanche pour vous exprimer, vous allez le gaspiller, voire
renforcer votre ennemi.




  • C'est irresponsable de penser que de toute façon Hollande va gagner
    au second tour. Vous laissez les autres faire le travail, en vous
    contentant de vous exprimer. Que ferez-vous si les sondages
    n'existaient pas ?


  • En admettant qu'il accède au second tour, le score de François
    Hollande au premier compte beaucoup. Un Sarkozy affaibli par un
    mauvais score au premier tour sera pendant les quinze jours à venir
    d'autant plus vulnérable, plus désespéré, d'autant moins épaulé par
    ses fidèles camarades.


  • Dire Hollande/Sarkozy, même combat, c'est oublier tout ce qui s'est
    passé depuis cinq ans, c'est oublier que Sarkozy a gravement
    perverti le fonctionnement de notre démocratie, qui avait déjà ses
    problèmes avant qu'il s'en mêle. Sa réélection validerait son
    comportement pendant le premier mandat et ouvrira la porte à des
    nouvelles dégradations pendant le second.


  • Pour peser à gauche, pensez plutôt aux législatives. Je sais que ce
    n'est génial, mais c'est aux législatives que les pourcentages de la
    composition du vote à gauche à un véritable sens.





Dimanche, avec votre vote, posez-vous la question : quel choix va
faire le plus de bien à toutes les personnes réelles qui sont affectées
par la conduite de la politique du pays ?

Sarkozy défait par l'excès de sa propre puissance

by omelette16oeufs on mercredi 18 avril 2012

Échec et excès se trouvent bizarrement associés, dans ce qui devraient
être les derniers jours du règne du "Monarque". Le paradoxe de
Sarkozy, c'est aucun président jusqu'à présent n'a amassé autant de
puissance politique, médiatique, financier, autant de réseaux. Le
principal parti d'opposition a passé la plus grande partie du
quinquennat affaibli par "l'ouverture" et engagé surtout dans des
querelles et des luttes internes. L'UMP, malgré quelques petites
rivalités inévitables, est restée globalement unie derrière son futur
candidat. Le rival chiraquien fut neutralisé par l'affaire
Clearstream. Le principal danger à gauche se retrouve embourbé dans de
sombres histoires éroto-judiciaires. De bien de points de vue, c'était
le paradis sarkozyste sur terre.



Cette situation aurait dû garantir une réélection facile. Tout était
boulonné. Je me souviens d'avoir dit, à de nombreuses reprises,
"certes Sarkozy est impopulaire maintenant, mais c'est parce qu'il n'y
a personne en face". En plus des ses énormes avantages stratégiques,
on savait que Sarkozy était un excellent tacticien électoral.



Le fidèle sarkozyste, lisant ces mots, objectera, hagard : "mais la crise !
mais la crise ! Vous oubliez la crise, espèce de sale gauchiste à la
mauvaise foi grande comme le trou de la Sécu !" Cela n'a sûrement pas
aidé, je reconnais, mais une fois que le fidèle sarkozyste aura
réussi à se maîtriser, je lui ferai juste remarquer que l'impopularité
de son champion date d'avant les subprimes. Ses Ray-Bans et ses
fiancailles à la hussarde avec un top', son "pov'con" et autres fautes
de goût avaient déjà commencé à plomber son image.



Pour montrer à quel point je voudrais être bienvieillant envers le Chef de
l'État, je dirais que malgré Carla, les Ray-Bans et la crise, tout
pouvait encore être rattrapé. Il avait le temps, trois ou quatre ans
pour se "représidentialiser" ou encore trouver une nouvelle manière de
séduire la France. Il avait le temps et les ressources, même si on
oublie l'ombre des 50 millions (80 millions de dinars) de l'ami
Mouammar.



Qu'est-ce qui s'est donc passé ?



Pour une partie importante de la population, y compris beaucoup des
"braves gens" qui étaient la cible principale de Sarkozy en 2007, le
Très Grand Homme (TGH) est devenu parfaitement, définitivement
imbuvable. Ce mouvement de foule peut s'expliquer de diverses façons,
et je suis sûr que les historiens s'interrogeront longuement
là-dessus.



L'extrême personalisation de l'action politique, ainsi que la
centralisation du pouvoir sont, ensemble, responsables de son
échec. La personalisation expose chaque petit défaut, et le projete
sur l'écran géant du pays entier. Combinée avec le poids du pouvoir,
la personalisation fait que quand le Président est léger, il paraît
lourd et trop léger à la fois ; quand il est lourd, le bonhomme n'est
pas à la hauteur du personnage qu'il voudrait incarner. Il voudrait
dominer en fascinant, mais la fascination conduit vite ridicule des
moindres gestes.



Tous les avantages du Président-Candidat et du Candidat-Président ont
finit par l'écraser. Dans un système sans contre-pouvoir, Sarkozy a
réussi à en créer un, un contre-pouvoir populaire, le refus d'une
majorité des français d'être dominés par le système
médiatico-politique. Plutôt que de mettre en cause tout le système,
ils en veulent à celui qui se glorifie d'en être le
marionnettiste-en-chef. Sarkozy s'est finalement écrasé lui-même, sous
le poids du trop plein des pleins pouvoirs.

L'économie est ailleurs

by omelette16oeufs on mercredi 11 avril 2012

Lors des débats sur la hausse de la TVA – dite "sociale", puisqu'elle
permet aux gens qui gagnent le moins d'augmenter leur participation au
financement des services sociaux – on avançait cet argument qui me
semblait, à l'époque, assez étrange : la hausse de la TVA serait une
manière de taxer les importations en provenance de notre grand ennemi
économique, la Chine. Je ne voyais pas comment on pouvait l'affirmer,
puisqu'avec la TVA, on ne peut pas cibler les produits par leur
origine industrielle. Parallèlement, la hausse de la TVA ne devait
rien coûter aux consommateurs parce que la concurrence ferait baisser
les prix. Cet argument là, je ne le comprenais pas non plus, une taxe
comme la TVA étant justement neutre en termes de concurrence : si on
augmente le prix de l'iPhone que j'ai envie d'acheter, ce n'est pas
comme si j'allais me rabattre sur des poireaux français.




Les mois passent et je pense à autre chose. Puis, hier, alors que je
commençais à songer à faire un billet pour expliquer mes réserves sur
Mélenchon, sujet complexe et subtile s'il en fut, je tombe sur cet
édito dans les Échos, plein de mépris et dédain pour les électeurs de
Front de Gauche (partagés, d'après l'auteur, entre des staliniens
quasi terroristes et des bobos conformistes). Le succès de Mélenchon
doit être un grand soulagement pour certains, qui peuvent sortir des
vieux arguments et clichés qui n'ont pas servi depuis la chute du
mur. Bref, notre éditorialiste, Henri Dubreuil, finit son billet sur
le SMIC à 1 700 euros :



Il reste malgré tout primordial de combattre les idées mortifères d’un
diable rouge ayant troqué sa fourche pour une faucille. La simple idée
de fixer à 1 700 euros le SMIC relève de la folie ou de la
stupidité. Elle conduirait à la faillite des milliers d’entreprises à
travers tout le pays. Et à ceux qui m’opposeraient la relance de la
consommation, je rétorquerai : relance des importations. Couler notre
économie pour faire le bonheur des Chinois ou des Allemands est tout
sauf une idée digne d’un candidat à la présidentielle.






Je ne vais pas aborder la question du SMIC aujourd'hui. Ce sont les
deux dernières phrases qui sont fascinantes, et qui, je pense,
expliquent bien des choses sur la perception économique de cette droite
si sûre d'elle.



Prenons les choses point par point :




  • Relance de la consommation = relance des importations C'est le
    nerf de la guerre : consommer, c'est importer. Donner des sous au
    peuple et il va préferer l'iPad aux poireaux.



  • Le déficit commercial, c'est la faute aux consommateurs Car
    effectivement, si au lieu d'acheter des écrans plats, nos
    consommateurs achetaient plutôt des Airbus ou, mieux encore, des
    Rafales ou des centrales Aréva, ils contribueraient quelque chose à
    l'économie française. Ce sont les jeunes qui nous coulent, avec leur
    langage SMS et tout ça. Abrutis.



  • Aider économiquement "les gens" c'est en réalité aider les Allemands et les Chinois Dans la guerre économique mondiale,
    toute aide sociale finit, peu ou prou, dans les poches de
    l'ennemi. C'est presque comme si les consommateurs constituaient une
    sorte de "front intérieur", une tentacule de l'ogre chinois, venue
    siphonner notre richesse nationale.





Et la conséquence de tout cela, c'est que la population, celle qui
travaille et consomme, ne sert presque plus à rien. En tout cas, cela
ne sert à rien qu'elle ait de l'argent à dépenser. Le "pouvoir
d'achat" est, pour nos patriotes, non seulement inutile, mais une
fuite potentielle de richesse. Si "les gens" veulent contribuer à la
réussite nationale, la seule chose qu'ils peuvent faire c'est
travailler plus en demandant moins. Il faut qu'ils transférent leur
pouvoir d'achat vers les marges des grandes entreprises.



L'économie n'est plus à nous, nous ne sommes plus que des freins, ni
ouvriers ni consommateurs, juste des enfants dépensiers. L'économie
est ailleurs et il n'y a rien à faire. Et pour autant, mais là je
commence à mordre sur mon futur billet sur Mélenchon, il ne suffira
pas déclarer la "réindustralisation" ou la "démondialisation". Il va
faire falloir trouver autre chose, une autre manière de réintégrer
"les gens" dans leur propre économie en modifiant petit à petit le
terrain de jeu pour favoriser des structures plus petites, des réseaux
plutôt locaux. Il va falloir également, et c'est surtout là où
François Hollande me semble avoir raison, améliorer la qualité globale
du pays, surtout en termes d'éducation et de recherche. Car
l'éducation et la recherche, en plus d'une augmentation de la
compétitivité (si si, monsieur le Président, cela peut se dire en
socialisme), ce sont des moyens de remettre l'accent sur des gens,
plutôt que sur des intérêts.

"Je comprends votre souffrance"

by omelette16oeufs on samedi 7 avril 2012

Les petits gestes, les clins d'oeil, les sourires en coin, les mots
doux discrètement lâchés, du pied sous la table… tout cela ne suffit
plus. Nicolas Sarkozy se décide enfin de déclarer sa flamme aux
électeurs du Front National :



«Aux électeurs du Front national, je dis que je comprends votre
souffrance mais le vote FN ne résoudra aucun des problèmes» pour
lesquels «vous voulez une solution», a affirmé le président-candidat,
ajoutant que «chaque vote FN profitera à la gauche».






C'est vrai que Claude Guéant est parfois un peu trop subtile pour des
électeurs habitués au style beaucoup plus direct de la famille Le
Pen. Alors le courageux Très Grand Homme (TGH) doit mettre les points
sur les "i".



"J-16. Sarkozy appelle les électeurs du FN à voter utile. Jusqu'ici,/ /tout va bien", touittait Brave Patrie. C'est très drôle, et très
pertinent, car s'il y a un électorat qui ne vote pas "utile", c'est
bien celui du Front National.



Quelle souffrance est-ce qu'il comprend, notre Chef d'État ? Il fait
comme si l'on votait Front National parce qu'on s'inquiétait tout
particulièrement des effets néfastes des populations juives et Arabes
sur la Nation Française, un peu comme d'autres électeurs s'inquiètent
pour l'école, leurs retraites ou les déficits.



Pourtant, depuis le temps que Sarkozy, Besson, Hortefeux et Guéant
agitent des chiffons rouges de toutes les couleurs (sans beaucoup de
succès, j'ajoute), ils auraient dû comprendre que la xénophobie n'est
pas un sujet politique rationel. On parle d'"immigrés", par exemple,
quand on veut dire "citoyens français issus de l'immigration
maghrebine des années cinquante et soixante", et on expluse les uns
parce qu'on ne peut pas supporter de voir les autres. La xénophobie
ressemble plus à une maladie mentale qu'à une cause, ou à un
"problème" auquel un Président pourrait chercher une "solution".



Sarkozy a réussi à "siphonner" l'extrême droite en 2007 parce qu'il
promettait de tout faire péter s'il était élu : "tout devient
possible". En promenant Hortefeux devant les électeurs FN, Sarkozy a
réussi à leur suggérer sans vraiment le dire que, élu, la grande
ratonnade pourrait enfin avoir lieu.



Maintenant que Sarkozy a cinq ans de bilan derrière lui, que les
xénophobes souffrent tout autant de leur xénophobie, qu'il n'est plus
possible de promettre de tout faire péter ("pourquoi ne l'a-t-il pas
déjà fait ?"), il ne peut plus générer cette charge émotionnelle qui
fait rêver les oppressés de leur race. C'était prévisible,
d'ailleurs. Et maintenant, pitoyablement, il doit prononcer les mots :
"venez avec moi, on trouvera des 'solutions'". Mais le malade ne veut
pas d'une "solution", sinon il ne serait pas malade. Il veut tout
faire péter, comme toujours.



Sarkozy s'abaisse, et nous rabaisse en même temps (il est encore
Président de la R.). Ce serait comique, surtout l'appel simultané aux
centristes, qui normalement n'ont pas la même idée que lui sur les
"problèmes" et leurs "solutions", si ce n'était pas si grave. Nous
nous rapprochons du "moment Millon", quand on décide qu'il vaut mieux
pactiser que perdre sa place. Ce qui rassure, c'est que pour en être
là, c'est que les choses ne vont pas très bien.

Épuisé

by omelette16oeufs on vendredi 6 avril 2012

Le programme du Très Grand Homme (TGH) est très petit. Presque rien.
"Un programme de Secretaire d'État", dit jegoun. Je laisse aux autres
le soin de le démonter point par point, pour m'émerveiller sur le bide
médiatique, le ratage communicationnel. À force d'envoyer NKM dire que
Hollande n'avait pas de programme, Sarkozy s'est laissé pièger. Je
croyais qu'il allait carrément se passer de programme, et c'est
sûrement ce qu'il aurait dû faire. Sarkozy peut jouer le cancre sur
autant de thèmes qu'il veut, mais malgré son aplomb habituel, je ne
vois mal expliquer que, comme il n'a pas fait l'ENA, qu'il n'a pas
appris à faire des trucs aussi futiles et intellos comme un
programme, si il arrivait qu'on se moque de lui dans un débat par
exemple.



Son programme serait victime de la crise. À part faire moins, on ne
peut rien faire. Paraît-il. François Hollande a raison : "le
programme, c'est le bilan en pire". Sarkozy a tellement donné depuis
cinq ans, que ça devrait suffire pour dix. Il a omis son projet de
passer encore plus de temps au Cap Nègre. Avec l'aide des électeurs,
cela va peut-être devenir possible. J'espère juste qu'il aura des
connexions facile pour faire le trajet à Bordeaux assez souvent, pour
voir le gentil juge.



(Il n'y a rien non plus sur la viande halal. Les Français vont être
déçus, puisque c'était leur souci principal il n'y a pas si longtemps.)



Bref, il ne reste plus rien dans le moteur. Plus d'idées, plus rien,
et plus de marge de manoeuvre. Déjà que les caisses étaient vides
en 2007. Toute cette action, cinq années de gesticulations, de bruit,
de surexposition, pour aboutir à… rien. Pas de perspective, même
bidon. Rien. Enfin si : le permis et les retraites une semaine plus
tôt.

Une passion populaire

by omelette16oeufs on mercredi 4 avril 2012

Pour défendre l'exploitation par son camp des thèmes xénophobes, Henri Guaino disait : "Ne pas prendre en compte les passions populaires
expose à la colère". C'est bien la seule "passion populaire" que la
droite peut citer pour pousser les "électeurs populaires" à voter
contre leur propre intérêt. Mais, pour l'instant, laissons-le dans ses
tentatives desespérées de rallumer la xénophobie. Guaino se trompe de
passion, et de colère.



Nicolas Sarkozy est assez doué pour trouver une expression
"populaire", un emballage "café de commerce" pour faire passer un
programme plutôt Medef. Depuis quatre ans, cependant, il y a un sujet
très populaire qu'il est difficile pour le TGH d'exploiter :
l'anti-sarkozysme lui-même. Qu'il soit primaire ou populaire, ce
sentiment lui a effectivement explosé à la figure, avec pour resultat
ces sondages têtus, qui jusqu'à présent résistent à tous les efforts
de la machine de l'Union Médiatique du Pouvoir.



Le sarkozysme est une outrance de la communication. Je pense
qu'aujourd'hui nous sommes, les pro- comme les anti-, tellement
dedans, encore, qu'on a du mal à se rendre compte du caractère
exceptionnel de cette hystérie collective. Je sais que si, à la place
de Nicolas Sarkozy, une sorte de deuxième Chirac avait été élu en
2007, je n'aurais jamais même songé à créer un blog. Je n'aurai pas
été atteint de cette passion populaire. La pratique sarkozyste des
médias et du pouvoir est une sorte d'excitation permanente de
l'ensemble de la sphère publique, et la projection des agissements
d'un seul bonhomme sur une scène démésurément grande.



S'il reste quelque chose du gaullisme chez Sarkozy, c'est la démesure
mythologique. Chez de Gaulle, si l'on veut, la mythologie était censée
assurée la cohésion et la fièreté de la Nation. Chez Sarkozy, elle est
autoréférentielle et ne sert que les intérêts de Sarkozy lui-même. Un
narcissisme médiatique et euphorie communicationnelle qui, finalement,
se sont même retournés contre l'Arroseur en Chef.



Même quand il est purement négatif, ce buzz assourdissant risque de
noyer les opposants à Sarkozy. Le pari de François Hollande est de
battre Sarkozy sans faire du Sarkozy. On lui reproche, Sarkozy le
premier, de ne pas susciter une grande vague d'adhésion populaire. À
gauche, seule Ségolène Royal pouvait rivaliser avec Sarkozy en termes
de comm', de dimension mythologisante, d'adhésion populaire. Cette
ligne-là, à gauche, comporte certains risques. De toute façon,
François Hollande ne pouvait pas l'adopter. La passion anti-sarkozyste
peut lui permettre d'en faire l'économie.



Refuser d'être comme Sarkozy pourrait être la meilleure réfutation du
sarkozysme, et pourrait signifier que Sarkozy n'aurait été un accident
de parcours, une erreur démocratique qui aura duré cinq ans mais qui
n'aura pas de suite, la rencontre malheureuse des dérives mythologique
de la Ve République et l'avalanche communicationnelle du XXIe
siècle. Hollande, en président "normal" serait une manière de fermer
la parenthèse.

Hollande, Mélenchon, utile, gauche...

by omelette16oeufs on lundi 2 avril 2012

La présidentialisme a peu à peu supprimer l'importance de toutes les
autres élections, du moins sur le plan national. Voter, c'est voter
pour un président. Point. Ou presque point. Et en même temps, il n'y
a qu'un gagnant et quasiment aucune possibilité de partage entre des
sensibilités. Nous sommes entre ces deux réalités, tant que personne
n'aura le courage de modifier le système en lui rendant son caractère
parlémentaire, et même en allant bien plus loin dans cette
direction. (Et "une dose de proportionelle", même une dose de cheval,
ne servira à rien tant que l'Assemblée Nationale ne servira à rien.)



Pour l'instant, il ne peut y avoir qu'un seul. Un seul homme. D'où
cette tendance au culte du sur-homme, et ces exigences
(contradictoires) de quelqu'un de "sympa". On peut espérer que
l'ascension et le règne de Nicolas Sarkozy serviront aux
constitutionalistes du futur comme contre-exemple absolu : comment
faire pour éviter cela ?



En attendant cette lucidité future, malheureusement improbable et
utopique, nous voilà collés avec ce système qui centralise tout sur le
petit cerveau d'un seul bonhomme. Et le moment de le choisir est aussi
l'unique moment où le peuple peut s'exprimer de façon
significative. Que faire si par hasard aucun des deux candidats ne
vous convient en tant véhicule pour ce que vous voulez dire au pays
et au monde ?



La gauche est un ensemble assez hétérogène, idéologiquement parlant,
sans doute pour des raisons idéologiques justement : esprit critique,
non conformisme, liberté de pensée, refus des injustices. On peut être
"de gauche" pour des raisons très diverses. Il y a des différences à
droite aussi, mais, vu de l'extérieur du moins, elles paraissent moins
essentielles, et plutôt une question de degré que des véritables
lignes de fracture. Même les Front National, ou en tout cas ses idées,
a finit par trouver sa place dans la grande famille de la
droite. L'UMPéisation des esprits a achevé de gommer les différences
entre les libéraux et les étatiste gaullisants. Sarkozy a réussi à
transformer tout cela en bouilli et réduire la pensée politique à une
question de niveau de décomplexitude (ou décomplexisance ?). Après
tout, pourquoi finasser sur le sens du politique, quand la seule
chose qui compte est de gagner une élection tous les cinq ans ?



À gauche, donc, c'est moins décomplexé et plus compliqué, et il on a
plus envie de s'exprimer. Et on se retrouve à chaque fois devant cette
question du vote "utile" : voter contre celui que l'on préfère afin
d'assurer l'échec du candidat que l'on redoute. Je formule la chose
négativement à dessein. C'est effectivement triste, cette invitation,
parfois une obligation, à se défaire de sa seule chance de s'exprimer
par une sorte de calcul au bénéfice d'un Parti Socialiste en qui on ne
se reconnaît peut-etre plus, d'un Parti Socialiste qui en cinq ans n'a
pas su rendre assez percutant, décisif, assez sexy en somme.



D'abord, je le dis, même si c'est triste, c'est la réalité des choses,
la réalité de cette Ve République faite pour fabriquer des de Gaulle
en carton-pâte, rendue, par la force du quinquennat, encore plus
triste et encore plus cadenassée (quinquenadassée, j'aime
dire). Ignorer cela, c'est tomber dans le piège d'un système qui, en
53 ans, n'a vu qu'un seul président de gauche, dans l'illusion de l'État
comme véritable reflet démocratique du peuple. Plutôt que "vote
utile", je dirais : "vote réaliste".



Car ensuite, on peut parler des mérites des
candidats. Personnellement, j'ai passé la plus grande partie de ces
cinq dernières années frustré par cuisine interne du PS, en espérant
un renouveau qui serait, en autres, un renouveau en termes de
communication et de message. Le PS s'est laissé bercer trop longtemps
par les sondages favorables à DSK. Longtemps, Hollande et sa
"présidence normale" faisaient sourire. Aujourd'hui, il semble qu'il
n'avait pas tout à fait tort. Sur Hollande lui-même, sans la
perspective du choix entre lui et Jean-Luc Mélenchon :




  1. Une présidence de Hollande, même si ce n'est pas un gauchiste pur
    et dur, serait beaucoup plus à gauche qu'un deuxième mandat de
    Sarkozy (qui n'aurait même plus peur de ne pas être réélu). Rien
    que pour le seul domaine de la justice, la différence serait
    énorme. Le reste du programme est intéressant aussi, et représente
    une énorme différence avec ce qui a été fait depuis 10 ans, et ce
    qui se ferait pendant 5 ans encore avec un Très Grand Homme (TGH)
    réélu.


  2. Hollande ne peut pas, ne pourrait pas se placer comme Mélenchon,
    car là, la machine UMP à dénigrer et à faire peur se mettrait en
    marche. On nous parlerait presque des chars Soviétiques sur le
    Champs-Elysées, la bave au lèvres.


  3. Mélenchon peut réussir sa campagne parce qu'il y a François
    Hollande à côté, pour nous rassurer sur l'issue.


  4. Enfin, c'est une bonne chose malgré tout que "le troisième homme"
    de cette élection soit à gauche, et pas à droite comme
    en 2007. Pour cela, nous pouvons remercier le talent de Mélenchon.





Votez comme vous voulez, mais pas à droite. Et n'oubliez pas que le
premier tour de la présidentielle n'est pas une élection législative.

Compétence ?

by omelette16oeufs on vendredi 30 mars 2012

En 2007, quand aucun des candidats à l'élection présidentielle n'avait
déjà exercé la fonction présidentielle, et que le futur Très Grand
Homme (TGH) avait réussi à se délester de son passé chiraqien, la
question de la compétence avait joué en sa faveur, ainsi qu'en
faveur de François Bayrou, et au détriment Ségolène Royal. C'était un
argument difficile à démêler : Sarkozy était encore nimbé de son temps
passé aux Finances et à l'Intérieur ; le passé ministériel de Royal
était plus lointain, et les téléspectateurs avaient surtout retenu
l'image de l'ancienne ministre à la maternité, ce qui avait contribué
à rappeler le fait que c'était une femme, à la compétence, donc,
intrisèquement discutable et à qui il fallait poser des intérros sur
les sous-marins nucléaires. Passons.



En tout cas, cette fois, sans trop réfléchir, je pensais que la
compétence allait naturellement disparaître en tant que
critère. C'était oublier de compter sur le vide idéologique du camp de
droite, sur le fait que Jean-François Copé entend préserver toute son
intelligence et ses idées géniales pour 2017. Donc la compétence
ressort. Pourtant, je croyais, naïvement je l'accorde, que sur ce
point Sarkozy s'était complètement grillé. La plupart de ses
"réformes" économiques les plus emblématiques, à l'image du Paquet,
ont dû être abrogées, il s'est montré particulièrement malhabile en
politique étrangère, ce qui aurait dû être, à en croire l'instinct des
"gens" qui se méfiaient de Royal et sa capacité à "représenter la
France à l'étranger".



C'était donc oublier que la comm' n'a pas besoin d'avoir d'attache
dans le monde réel. Ainsi, la compétence revient, d'abord avec le
fameux off, où le Président de la R. décrète que François Hollande
est "nul". Ensuite, parmi d'autres, on retrouve cet
édito de Philippe Tesson qui tacle le peuple français, coupable d'avoir
atteint la conclusion inverse, après cinq années d'observation. Il
s'agit d'un sondage BVA/Le Parisien du 27 mars, sur la "crédibilité"
des candidats. Sur 13 catégories, Hollande bat Sarkozy onze fois ; sur
"l'insécurité" ils sont à égalité et sur "l'Europe" Sarkozy devance
Hollande de 2% (33% à 31%).



Le peuple est, bien sûr, incompétent pour juger de la compétence des
hommes politiques. C'est du moins la conclusion de Philippe Tesson,
qui déborde d'ironie.



De même s'agissant de la santé, par exemple, où il recueille 41 %
contre 22 % pour l'actuel président ! On ignorait qu'il eût tant de
compétences, tant de talents sur tant de sujets. Le peuple a vraiment
de l'instinct.






Oui, vous avez bien lu : "le peuple a vraiment de l'instinct". Il
faudrait d'abord noter le petit glissement de langage, de la
"crédibilité" du sondage à la "compétence" de Tesson. On voudrait que
la compétence soit une valeur quantifiable, nombre de diplômes, nombre
d'années d'expérience. Le TGH n'a pas beaucoup de diplômes, mais il a
été Président pendant cinq ans, donc il gagne. Il a sûrement appris
des choses, pendant ce temps, c'est vrai, et je ne parle même pas de
tous les sujets de pathos qu'il a évoqués à Villepinte. Mais
surtout, ces cinq années ont servi à lui ôter toute crédibilité sur
ces sujets.



Et voilà le vrai problème du TGH : quand il dit "je vais résoudre
problème X ou Y", tout le monde a désormais assez d'"instinct" pour
savoir que sa compétence se limite à sa capacité d'utiliser les
différents sujets pour communiquer dessus. L'instinct du peuple n'est
pas si mauvais, pour une fois, car il a finit par comprendre que le
fait de soumettre systématiquement l'intégralité de la politique aux
besoins de comm' du moment nous conduisait inévitablement hors sujet.



Et l'ironie, si nous pouvons nous permettre d'emprunter cette arme à
Monsieur Tesson, en toute modéstie, c'est que, quand Nicolas Sarkozy
dit : "Hollande est nul", on comprend aujourd'hui qu'il ne parle que
des capacités à communiquer et à jouer le jeu politique. Pour le cas
Sarkozy, le peuple, avec son instinct, a finit par se rendre compte
depuis longtemps.

Frapper Sarkozy sur ses points forts

by omelette16oeufs on jeudi 29 mars 2012

Hemingway, sur l'excellent Ze Rédac (qui est arrivé sur la scène
pendant l'une de ces périodes où ce blog dormait sur ses deux
oreilles), dit quelque chose d'important : il faut "porter le fer sur
les faiblesses de Sarkozy".



Dans un moment où le match est serré et se tend, François Hollande a
besoin autour de lui d’une équipe qui n’hésite pas à monter à l’assaut
pour son chef tenu à un rôle au dessus de la mêlée. Et c’est aux
poids-lourds, à ceux que l’opinion entend, de jouer ce rôle. Plus on
se rapproche de l’échéance et plus François Hollande a besoin que les
éléphants barrissent et chargent, comme Ségolène Royal l’a fait avec
son sens du moment opportun la semaine dernière en accusant Nicolas
Sarkozy d’avoir peur de perdre son immunité présidentielle et d’être
ainsi rattrapé par la justice.






Nous avons, ici, déjà souligné l'efficacité des interventions de
Ségolène Royal. Elle a réussi, en quelques mots, à arrêter net tout
une ligne importante dans les éléments de langage des sarkozystes dans
les premiers jours suivant "l'annonce" de candidature, à savoir
François Hollande "léger avec la vérité". Et comme le souligne
Hemingway, en remettant les "affaires" sur la table, elle a frappé
fort, et s'est montrée la seule, ou presque, au PS, à savoir cogner
fort quand il fallait. (De là à dire que ça n'aurait pas fait de mal
d'avoir quelques seconds couteaux cogneurs en 2007…)



Taper sur les points faibles de Sarkozy est important, mais il ne faut
pas non plus oublier les points forts. Regardez ce que fait le bonhomme : il ne se
contente pas d'exploiter les faiblesses de Hollande, il passe presque
plus de temps sur les points forts de son adversaire, en miroir plus
ou moins de ses propres points faibles (s'il perd, Sarkozy pourra
enfin entamer une psychanalyse). Le mensonge est un bon exemple, le
"flou" du programme un autre, puisque Sarkozy n'avait même pas de
programme.



S'il est possible de gagner la bataille des images et des idées, dans
un système médiatique pour qui Sarkozy reste le coeur même de
l'actualité et la source ultime du buzz, c'est en anéantissant les
points forts du candidat. Là, on se heurte bien sûr à un nouveau
problème : quels sont, en effet, ces fameux points forts ? Il ne
serait pas très intéressant d'expliquer que Sarkozy n'est pas assez
xénophobe, par exemple. Je ne vois que le sauvetage de l'Europe. Si
j'étais un second ou même troisième couteau au PS, c'est là-dessus que
je concentrerais mes munitions. François Hollande a lui-même ouvert la
voie, d'ailleurs, avec sa promesse de revenir sur le travail du Très
Grand Homme (TGH) et de réaffronter Merkel. Si cette forteresse
rhétorique pouvait tomber, je ne sais pas ce qui resterais de
Sarkozy.

Un programme UMP, ce n'est pas la mer à boire

by omelette16oeufs on mercredi 28 mars 2012

Il y a presque trois ans, j'ai tenté d'imaginer le processus
d'élaboration d'un programme et le choix d'un candidat à l'UMP. Alors
que le Courageux Président-Candidat n'en a toujours pas, de programme,
je commence à me demander ce qui aurait pu faire dérailler une telle
mécanique.



Voici, en tout cas, ce que j'écrivais alors :




Voici une reconstruction fictive du processus de sélection d'un candidat et d'un programme UMP.



Chef : Ça va être qui le candidat ?



[divers cris de : Moi! Moi! Moi!]



N° 1 C'est moi le candidat. Je suis le plus fort. J'atomise tout le monde.



MAM Non, vous ne m'atomisez pas.



N° 1 Ah, non, je me permettrais pas, d'ailleurs. Mais je suis quand même plus fort que vous. [sourire goguenard]



N° 4 Il faut d'abord faire un programme !



[Grosse rigolade dans la salle.]



Chef : On n'est pas au PS, imbécile! De toute façon, le "programme", c'est toujours le même : il faut baisser les charges et les impôts.



N° 4 Mais on ne peut pas faire une campagne là-dessus…



Chef Après c'est au candidat de raconter des trucs pour se faire élire. C'est libre. Tu fais ce que tu veux : écolo, socialo… Nous, on s'en fout.



[Consultation des militants UMP. N° 1 reçoit plus de 90% des voix]


La triangulation thématique

by omelette16oeufs on mardi 27 mars 2012

Habituellement, quand on parle de "triangulation" à propos de Nicolas
Sarkozy, cela veut quelque chose comme l'histoire de la burqa : les
droites républicaine, catholique et islamophobe y trouvent leur compte
; la gauche se trouve divisée (ou elle devrait l'être, en tout cas)
entre les défenseurs de laïcité et défense des femmes, et ceux des
droits individuels et du multiculturalisme. Sarkozy peut tour à tour
être xénophobe et faire semblant d'être à gauche, il n'y a plus que
lui qui parle et l'affaire est dans le sac.



Il y a une autre forme de triangulation, plutôt thématique
celle-ci. La triangulation, en navigation, permet de déterminer un
point inconnu à partir de deux ou plusieurs points connus. Dans la
comm' sarkozyënne, le point inconnu, c'est plutôt le point indicible,
c'est-à-dire la xénophobie anti-musulmane pure et dure. Celle-ci reste
interdite pour un candidat, à la différence de Marine Le Pen, qui
espère attirer aussi des électeurs non-xénophobes. D'où l'intérêt de
la triangulation, une certaine organisation thématique qui permet de
suggérer ce qu'on ne peut pas dire.



Le problème, pour le Très Grand Homme (TGH), est de trouver comment
tirer un profit électoral des meurtres de Toulouse et Montauban. Dans
un premier temps, tout est axé sur la dignité, la présidentialité et,
surtout, la très régalienne Sécurité. Jean-François Copé a fait ce
qu'il a pu pour saper les deux premières valeurs, et le "Aznar à
l'envers" tant souhaité n'a pas eu lieu. Reste donc la sécurité, mais
elle n'est pas suffisante, notamment parce que Marine Le Pen double
Sarkozy à droite, en voyant dans chaque bateau et chaque avion de
multiples Merah en puissance :



"Combien de Mohamed Merah, dans les avions et les bateaux, qui
arrivent chaque jour en France ? Combien de Mohamed Merah, dans les
300 clandestins qui arrivent chaque jour en Grèce via la Turquie,
première étape de leur odyssée européenne ?"






Alors le TGH, dont l'un des thèmes de campagne majeurs est que son
rival dit une chose aux uns et une autre aux autres, alors notre TGH
joue le raisonable :



"Dès qu'il y quelque chose d'outrancier à dire, on peut compter sur
Marine Le Pen", a jugé M. Sarkozy, qui était interrogé, lundi 26 mars
sur France Info, à vingt-huit jours du premier tour de l'élection
présidentielle. "Dire 'immigration égale Mohamed Merah', qui est né en
France, cela n'a aucun sens."






Mais à peine 24 heures plus tard, le courageux Président cherche à
rattrapper Le Pen comme il peut, en accréditant
le lien entre terrorisme et immigration :



Nicolas Sarkozy a annoncé mardi une accélération des expulsions des
"extrémistes" présents en France et assuré que toutes les personnes
tenant des "propos infâmants" contre la France ne seraient pas
autorisées à entrer sur le territoire national.







Tout le jeu de la triangulation thématique consiste à charger,
clandestinement, la barque. Quand on dit "sécurité", l'électeur
xénophobe entend "protection contre les 'Arabes'" ; quand on dit
"maîtriser l'immigration", l'électeur xénophobe entend "moins
d'Arabes" ; quand on dit "terrorisme", l'électeur xénophobe entend
"danger islamiste". Ensemble, tous ces mots forment une phrase. Cette
phrase ne peut pas être prononcée par un candidat qui espère encore
récupérer quelques voix non-xénophobes. La triangulation permet de la
suggérer sans la dire.

Retour au village

by omelette16oeufs on dimanche 25 mars 2012

Il y a quelques semaines, j'essayais d'expliquer, dans la
communication politique de Nicolas Sarkozy, l'usage d'un trucage
d'échelle :



L'un des fondements du sarkozyzme, ou plutôt de la communication
sarkozyzte, consiste à profiter du fait que les gens ont du mal à
imaginer 65.350.000.000 personnes en même temps. Il est préférable
d'imaginer la France comme une sorte de petit village idéal






Depuis j'ai appris qu'il n'y a pas 65 milliards de français, mais
seulement 65 millions. Je continue néanmoins à soutenir qu'il est
difficile d'imaginer autant de monde, et que les communicants en
profitent pour transposer des grandes questions de société sur le plan
d'une France imaginaire, où l'on peut raisonner en termes moraux, à
partir de quelques figures emblématiques : le chômeur (fainéant,
tricheur), le pédophile (récidiviste), l'"Arabe" (communautariste),
l'immigré (voir l'"Arabe"), le terroriste (qui vient d'arriver au
village ; voir l'immigré). J'en oublie sûrement.



Aujourd'hui, au village, dans le rôle du "prof" nous avons celle qui a
offerte une minute de silence à Mohamed Merah. Roman Pigenel montre
bien qu'elle ne représente que "0,00012 % des enseignants
français. Dans le village, en revanche, elle les représente tous.
Telle est là réalité du village.



C'est une technique à bonne résonance communicative, car les
téléspectateurs suivent plus facilement quand il y a un nombre limité
de personnages, tout comme pour les émissions de télé-réalité. Le
changement d'échelle permet de procéder à d'autres manipulations
aussi, comme le retour aux années soixante (période de référence pour
l'électorat des retraités). Ce qui est chouette avec ce système, c'est
qu'il permet de proposer des mesures qui auraient peut-être (ou
peut-être pas) un sens il y a cinquante ans.



Alors que Marine Le Pen imagine des "Mohamed Merah" arrivant
quotidiennement par centaines, le délire de Claude Guéant est encore
plus malsain :



Face au « terrorisme islamiste » qui s'est exprimé lors des tueries de
Toulouse et Montauban, il y a « deux fronts » selon Claude Guéant : «
le front extérieur », celui des commandos venus de l'étranger, mais
aussi « le front intérieur, ce terreau dans lequel on recrute des
extrémistes ».






Le "terreau" où l'on recrute les terroristes de demain, ce n'est, à
suivre sa logique, que l'ensemble de cette population "d'origine
musulmane" qui reste socialement exclue. Que ce "terreau" constitue un
"front intérieur" signifie en somme que la Guerre des Civilisations
a déjà commencé et que l'ennemi (même sous forme de "terreau") est
déjà présent dans le quartier d'à côté.



Malgré l'interdiction présidentielle de "toute amalgame", le raccourci
est en train de se faire. Dans le village, jusqu'à la semaine
dernière, le rôle de l'"Arabe" était assuré par un jeune délinquant
brûleur de voitures impliqué dans un trafic de fausses cartes
Vitale. Celui-là vient d'être remplacé par Merah, ou par un "Merah
potentiel".

Le Petit Père du peuple fait peur aux petits

by omelette16oeufs on mardi 20 mars 2012

Ceci n'est pas un billet sur la récupération politique.



Nicolas Sarkozy, dans un collège parisien explique aux enfants qui
l'entoure qu'ils auraient pu, eux aussi, être les victimes du tueur
qui a frappé à Toulouse et à Montauban. Sur Twitter, les parents dans
ma TimeLine sont choqués par cette façon de faire peur. Les phrases
sont effectivement assez fortes : "réfléchissez à cela". Les films de
la scène montrent notre Chanoine devant les enfants avec un peu un air
de prêtre, moralisateur avec des attitudes pédagogiques. Peu importe :
c'est un moment hautement symbolique et le Président de la R. doit
faire comme il peut, avec son style. Voyez comment je suis indulgent.



Alors en lisant ces phrases, je me dis que ce n'est peut-être pas si
grave, les collégiens peuvent l'encaisser. Avec les images, en
renvanche, ce que j'ai trouvé décevant, maladroit, léger, pas à la
hauteur, petit, c'est que Sarkozy a en fait terminé son discours sur
la peur, sur le "ç'aurait pu être vous". Ensuite il part, avec ses
journalistes, laissant les enfants réfléchir. Il manquait le "mais" :
/c'était horrible, ça nous concerne, mais… / Mais c'est la
République, mais c'est la France, mais nous ne pouvons pas laisser
cela s'installer, mais nous sommes meilleurs… mais n'importe quelle
bêtise pontifiante pour ne pas les laisser, nous laisser, devant
l'abîme de la peur sans fin.



Ce qui est bizarre, et qui montre une méconnaissance de son rôle (il a
"appris", mais pas tout), c'est justement le fait de ne pas chercher à
rassembler, réhausser, mais au contraire de laisser nos enfants en
suspens, devant la peur. Le récit ne se termine pas, il nous lâche
au moment où le grand méchant loup va dévorer tout le monde.



Mon anti-sarkozysme primaire est plus fort que moi, et donc je vois
dans cette pédagogie râtée le signe que, dès que la campagne
présidentielle aura "repris", ce sera sur le thème de la peur et de
l'insécurité. On veut nous faire du mal, il faut quelqu'un pour vous
protéger. Je ne sais pas encore quelles acrobaties permettront de
faire oublier la haine qui est derrière les événements de ces
derniers jours, mais l'une d'entre elles c'est de mettre l'accent sur
la victime, non sur les victimes réelles, qui ne sont pas, certes,
oubliées, mais sur la victime en chacun de nous, les victimes
potentielles. En effet, le "vivre ensemble" est mis en cause ici, et
si l'on veut vraiment réfléchir, il serait plus sain, plus digne de
penser à ce qui, en nous, en notre société, nous empêche de tomber
dans la haine, la méfiance et la barbarie. Si l'on va réfléchir,
réfléchissons à ce qui nous empêche d'être le bourreau.