Lors des débats sur la hausse de la TVA – dite "sociale", puisqu'elle
permet aux gens qui gagnent le moins d'augmenter leur participation au
financement des services sociaux – on avançait cet argument qui me
semblait, à l'époque, assez étrange : la hausse de la TVA serait une
manière de taxer les importations en provenance de notre grand ennemi
économique, la Chine. Je ne voyais pas comment on pouvait l'affirmer,
puisqu'avec la TVA, on ne peut pas cibler les produits par leur
origine industrielle. Parallèlement, la hausse de la TVA ne devait
rien coûter aux consommateurs parce que la concurrence ferait baisser
les prix. Cet argument là, je ne le comprenais pas non plus, une taxe
comme la TVA étant justement neutre en termes de concurrence : si on
augmente le prix de l'iPhone que j'ai envie d'acheter, ce n'est pas
comme si j'allais me rabattre sur des poireaux français.
Les mois passent et je pense à autre chose. Puis, hier, alors que je
commençais à songer à faire un billet pour expliquer mes réserves sur
Mélenchon, sujet complexe et subtile s'il en fut, je tombe sur cet
édito dans les Échos, plein de mépris et dédain pour les électeurs de
Front de Gauche (partagés, d'après l'auteur, entre des staliniens
quasi terroristes et des bobos conformistes). Le succès de Mélenchon
doit être un grand soulagement pour certains, qui peuvent sortir des
vieux arguments et clichés qui n'ont pas servi depuis la chute du
mur. Bref, notre éditorialiste, Henri Dubreuil, finit son billet sur
le SMIC à 1 700 euros :
Il reste malgré tout primordial de combattre les idées mortifères d’un
diable rouge ayant troqué sa fourche pour une faucille. La simple idée
de fixer à 1 700 euros le SMIC relève de la folie ou de la
stupidité. Elle conduirait à la faillite des milliers d’entreprises à
travers tout le pays. Et à ceux qui m’opposeraient la relance de la
consommation, je rétorquerai : relance des importations. Couler notre
économie pour faire le bonheur des Chinois ou des Allemands est tout
sauf une idée digne d’un candidat à la présidentielle.
Je ne vais pas aborder la question du SMIC aujourd'hui. Ce sont les
deux dernières phrases qui sont fascinantes, et qui, je pense,
expliquent bien des choses sur la perception économique de cette droite
si sûre d'elle.
Prenons les choses point par point :
Relance de la consommation = relance des importations C'est le
nerf de la guerre : consommer, c'est importer. Donner des sous au
peuple et il va préferer l'iPad aux poireaux.
Le déficit commercial, c'est la faute aux consommateurs Car
effectivement, si au lieu d'acheter des écrans plats, nos
consommateurs achetaient plutôt des Airbus ou, mieux encore, des
Rafales ou des centrales Aréva, ils contribueraient quelque chose à
l'économie française. Ce sont les jeunes qui nous coulent, avec leur
langage SMS et tout ça. Abrutis.
Aider économiquement "les gens" c'est en réalité aider les Allemands et les Chinois Dans la guerre économique mondiale,
toute aide sociale finit, peu ou prou, dans les poches de
l'ennemi. C'est presque comme si les consommateurs constituaient une
sorte de "front intérieur", une tentacule de l'ogre chinois, venue
siphonner notre richesse nationale.
Et la conséquence de tout cela, c'est que la population, celle qui
travaille et consomme, ne sert presque plus à rien. En tout cas, cela
ne sert à rien qu'elle ait de l'argent à dépenser. Le "pouvoir
d'achat" est, pour nos patriotes, non seulement inutile, mais une
fuite potentielle de richesse. Si "les gens" veulent contribuer à la
réussite nationale, la seule chose qu'ils peuvent faire c'est
travailler plus en demandant moins. Il faut qu'ils transférent leur
pouvoir d'achat vers les marges des grandes entreprises.
L'économie n'est plus à nous, nous ne sommes plus que des freins, ni
ouvriers ni consommateurs, juste des enfants dépensiers. L'économie
est ailleurs et il n'y a rien à faire. Et pour autant, mais là je
commence à mordre sur mon futur billet sur Mélenchon, il ne suffira
pas déclarer la "réindustralisation" ou la "démondialisation". Il va
faire falloir trouver autre chose, une autre manière de réintégrer
"les gens" dans leur propre économie en modifiant petit à petit le
terrain de jeu pour favoriser des structures plus petites, des réseaux
plutôt locaux. Il va falloir également, et c'est surtout là où
François Hollande me semble avoir raison, améliorer la qualité globale
du pays, surtout en termes d'éducation et de recherche. Car
l'éducation et la recherche, en plus d'une augmentation de la
compétitivité (si si, monsieur le Président, cela peut se dire en
socialisme), ce sont des moyens de remettre l'accent sur des gens,
plutôt que sur des intérêts.
One comment
bon je reviens d'un repas du dimanche et du coup je suis un peu fatiguée mais sur votre titre, l'économie est ailleurs je dois avouer qu'en ce moment je suis un peu triste. alors que beaucoup d'autres sont heureux du probable dénouement de cette élection, je suis moi , de plus en plus consciente de la réalité de cette phrase. Aussi , même si je me réjouis grandement et furieusement même du départ du TGH, je ne peux m'empêcher de penser qu'au délà de cette courte joie, la situation reste la même. Les décisions sont prises ailleurs par des gens qui se fiche comme de l'an 40 de la présidence Française, tant que cette dernière ne menace pas vraiment leurs intêrets...
by Noum on 15 avril 2012 à 18:21. #