Une passion populaire

by omelette16oeufs on mercredi 4 avril 2012

Pour défendre l'exploitation par son camp des thèmes xénophobes, Henri Guaino disait : "Ne pas prendre en compte les passions populaires
expose à la colère". C'est bien la seule "passion populaire" que la
droite peut citer pour pousser les "électeurs populaires" à voter
contre leur propre intérêt. Mais, pour l'instant, laissons-le dans ses
tentatives desespérées de rallumer la xénophobie. Guaino se trompe de
passion, et de colère.



Nicolas Sarkozy est assez doué pour trouver une expression
"populaire", un emballage "café de commerce" pour faire passer un
programme plutôt Medef. Depuis quatre ans, cependant, il y a un sujet
très populaire qu'il est difficile pour le TGH d'exploiter :
l'anti-sarkozysme lui-même. Qu'il soit primaire ou populaire, ce
sentiment lui a effectivement explosé à la figure, avec pour resultat
ces sondages têtus, qui jusqu'à présent résistent à tous les efforts
de la machine de l'Union Médiatique du Pouvoir.



Le sarkozysme est une outrance de la communication. Je pense
qu'aujourd'hui nous sommes, les pro- comme les anti-, tellement
dedans, encore, qu'on a du mal à se rendre compte du caractère
exceptionnel de cette hystérie collective. Je sais que si, à la place
de Nicolas Sarkozy, une sorte de deuxième Chirac avait été élu en
2007, je n'aurais jamais même songé à créer un blog. Je n'aurai pas
été atteint de cette passion populaire. La pratique sarkozyste des
médias et du pouvoir est une sorte d'excitation permanente de
l'ensemble de la sphère publique, et la projection des agissements
d'un seul bonhomme sur une scène démésurément grande.



S'il reste quelque chose du gaullisme chez Sarkozy, c'est la démesure
mythologique. Chez de Gaulle, si l'on veut, la mythologie était censée
assurée la cohésion et la fièreté de la Nation. Chez Sarkozy, elle est
autoréférentielle et ne sert que les intérêts de Sarkozy lui-même. Un
narcissisme médiatique et euphorie communicationnelle qui, finalement,
se sont même retournés contre l'Arroseur en Chef.



Même quand il est purement négatif, ce buzz assourdissant risque de
noyer les opposants à Sarkozy. Le pari de François Hollande est de
battre Sarkozy sans faire du Sarkozy. On lui reproche, Sarkozy le
premier, de ne pas susciter une grande vague d'adhésion populaire. À
gauche, seule Ségolène Royal pouvait rivaliser avec Sarkozy en termes
de comm', de dimension mythologisante, d'adhésion populaire. Cette
ligne-là, à gauche, comporte certains risques. De toute façon,
François Hollande ne pouvait pas l'adopter. La passion anti-sarkozyste
peut lui permettre d'en faire l'économie.



Refuser d'être comme Sarkozy pourrait être la meilleure réfutation du
sarkozysme, et pourrait signifier que Sarkozy n'aurait été un accident
de parcours, une erreur démocratique qui aura duré cinq ans mais qui
n'aura pas de suite, la rencontre malheureuse des dérives mythologique
de la Ve République et l'avalanche communicationnelle du XXIe
siècle. Hollande, en président "normal" serait une manière de fermer
la parenthèse.

One comment

Brillant, bien ecrit en plus

by Anonymous on 5 avril 2012 à 10:10. #

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