Précarité et modèle social : une idée

by omelette16oeufs on samedi 5 mai 2012

Fin de campagne oblige, je ne vais pas pester contre l'un ou l'autre
des candidats présidentiels. Peut-être grâce au cessez-le-feu, j'étais
en train réfléchir au système social français, de manière un peu
détachée. Je venais de lire ce papier dans The Economist qui parle du
chef de la BCE, Mario Draghi, et le cocktail d'austérité et de
croissance qu'il recommande pour l'Europe. J'ai lu aussi cet édito du
Monde, où est exprimé le regret que la campagne présidentielle n'a
pas permis d'engager le débat sur les vraies questions de
mondialisation, de l'international en général. Ils n'ont pas tout à
fait tort : la focalisation sur la personalité de Nicolas Sarkozy
(focalisation souhaitée par l'intéressé) et sur la question de
l'extrême droite et ses thèmes (souhaitée par le même candidat) ont en
effet dominé la couverture médiatique, et par conséquent la réalité
couverte.



Dans Ze Economist on lit ceci :



Instead Mr Draghi’s version of a growth compact would accomplish three
things. First, he wants more progress with structural reforms, in
product as well as labour markets, not least since enhancing
competition between firms is often the precondition for greater labour
flexibility. Second, he advocates more investment in infrastructure at
the European level and backs a better mix of fiscal retrenchment,
focused more on cutting current spending than on axing investment and
raising taxes.






Si comprend bien, le growth compact devrait accompagner la Règle
d'Or, pour complèter l'austérité par des mesures destinées à stimuler
la croissance et améliorer la compétitivité des entreprises
européennes. Ce qui m'a retenu, c'est la nécessité de "réformes
structurelles" aussi bien dans le "marché des biens" que celui du
travail. Au moins on admet que le droit du travail n'est pas l'unique
obstacle au bonheur, et que les connivences et les monopoles nuisent
autant à la productivité. C'est bien, même si évidemment Draghi n'est
pas non plus un mélenchonien.



Je pense donc aux "réformes structurelles" et à ce marché du
travail. Depuis cinq ans, le mot "réforme" me met automatiquement en
état d'alerte. Mais réfléchissons quand même.



Voici en tout cas mon idée, ma proposition. J'imagine qu'elle a déjà
était faite, mais tant pis, je fonce : le niveau de prélèvement sur le
travail devrait être inversement proportionnel à la durée et à la
stabilité de l'engagement. Tout emploi moins stable qu'un CDI aurait
un taux de prélèvement supérieur. La logique étant qu'une entreprise
qui embauche pour des courtes durées doit payer plus cher pour
compenser la précarité qu'elle impose au salarié.



Si on pense réellement en termes d'assurance chômage, c'est évident
que le risque de chômage est beaucoup plus élevé pour un salarié qui
n'a qu'un CDD de quelques mois. L'assurance devrait logiquement
coûter plus cher, et c'est, il me semble, approprié que ce soit
l'entreprise qui supporte le coût du risque, puisque c'est elle qui
bénéficie de la souplesse de l'engagement.



Autrement dit, la précarité devrait avoir un prix. Ou encore, du point
de vue de l'entreprise : la souplesse deviendrait quelque chose qu'on
achète, en même temps que le travail. Dans le système actuel, la
précarité (ou la souplesse) ne coûte rien à l'employeur, à la
différence de l'emploi stable ; c'est donc dans son intérêt
d'augmenter la précarité à chaque occasion, avec pour conséquence les
CDD à répétition avec leurs effets néfastes pour tout le monde,
salarié et entreprise. Si l'entreprise compensait, en argent, la
précarité (ou la souplesse), l'équation serait modfiée : quand la
souplesse était essentielle (pour telle ou telle raison), l'employeur
en aurait la possibilité, mais aurait intérêt à limiter de telles
solutions. En faisant appel au travail précaire, l'entreprise
participerait davantage à la solidarité nationale et à l'équilibre des
comptes.



Et tout le monde serait content.



Enfin, voilà l'idée. J'aimerais entendre pourquoi c'est une mauvaise
idée.

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