Les électeurs du Front National et la gauche

by omelette16oeufs on mercredi 25 avril 2012

Depuis longtemps, sur ce blog, je fustige la xénophobie et son
exploitation par le pouvoir sarkozyste. Puisque je parlais de Sarkozy,
de l'UMP, d'Hortefeux, Besson et Guéant, et surtout de la
communication et des idées, je ne me suis pas préoccupé de ceux qui
vote réellement pour Marine Le Pen. Ce qui m'interessait, c'était la
responsabilité des responsables politiques qui exploitaient certains
sentiments.



Et avant de commencer, il faut savoir que je crois beaucoup à la
dimension pédagogique des discours politiques. Sarkozy et Le Pen ne
s'alignent pas sur une xénophobie qui est simplement là déjà ; ils
apprennent à leurs électeurs à être xénophobes, à comprendre
l'ensemble des questions sociales et économiques à travers la lentille
de l'islamophobie, qui a remplacé l'antisémitisme dans les rouages du
populisme de droite.



Cela ne veut pas le racisme et la peur de l'autre n'existeraient pas
sans Sarkozy et la famille Le Pen. Le rôle est de valider,
d'encourager ce sentiment, de le nourrir et d'enrichir son application
à une vision du monde. Ainsi va le trafic des raccourcis habituel :
insécurité ? immigation ; chômage ? immigration ; déficits ?
immigration ; Europe ? fermer les frontières (ou sortir de
l'euro). Tous les bouleversements des vingt dernières années --
mondialisation, désindustrialisation, deuil des Trente Glorieuses --
sont remplacés dans ces représentations par un équivalent en
carton-pâte où tout tourne autour de la figure de l'immigré et la
nostalgie d'un passé d'avant la décolonialisation. (Car, comme je l'ai
dit tant fois déjà, "l'immigré" qu'on voudrait empêcher de penétrer
dans l'espace Schengen, est en fait ce Français dont les grand-parents
sont nés au Maghreb.)



Mais les électeurs eux-mêmes ? Et Hollande et le PS, que doivent-ils
faire devant ce 19% ? Aujourd'hui Marc Vasseur touittait ceci :



à la louche FN : 1/3 fachos (un peu moins je pense) 1/3 réac droitards
1/3 déclassement/oublié (un peu plus)






Cela me paraît assez raisonnable. (Voir aussi ZeRedac.) Ce qui
voudrait dire que la différence entre un FN à 12% et un FN 19%, c'est
ce gros tiers qui, si tout était transparent et logique, ne serait pas
à sa place chez Le Pen.



La démarche de Hollande me semble parfaitement claire et justifée à
cet égard :



Sur l'immigration, j'ai dit ce que j'avais à dire. Je m’adresse à ceux
qui ont fait le choix et qui l'ont fait par colère, par frustration,
souvent des ouvriers, des employés, à ceux qui connaissent le
chômage. Et quand vous regardez une carte sur le vote FN et une sur le
chômage, vous avez parfois coïncidence. Je ne dois pas les laisser de
côté.






Mais le message peut-il passer ? C'est là que revient le problème
"pédagogique". Hollande a beau dire : si on combat la précarité, vous
allez être mieux, vous aurez moins peur de l'Islam. Celui qui a
ainsi succombé aux mystifications du Front National ne peut plus
comprendre les choses ainsi, et ne croit pas de toute façon à la
capacité des instances politiques de résoudre ses problèmes
concrets. Reste donc l'immigré comme "problème" fantasmatique, dans
une immédiateté qui prend le dessus sur les subtilités de la
macroéconomie.



Il y a donc un effort à faire envers ceux que Marc désigne par
"déclassement/oubliés", un effort de communication, certes, mais c'est
seulement sur le long terme. L'État Français et le Front National,
ensemble, font leur propre "pédagogie" depuis cinq ou dix ans, pour le
premier, et des décénnies pour le second. Il sera difficile d'effacer
cela rapidement.



Pour la droite (ancienne droite républicaine), les choses sont plus
compliquées encore, ce que montre le très fort rejet de Nicolas
Sarkozy, justement chez les électeurs de l'extrême droite. On parle de
44% seulement de report de voix en faveur de ce dernier. C'est
faible. Le succès de Sarkozy en 2007 était fondé dans l'illusion qui
consiste à faire croire que les défenseurs du grand capital vont
améliorer la vie des déclassés simplement en chassant les Arabes. La
dérive actuelle du chef de l'État montre que pour maintenir
l'illusion, il doit aller de plus en plus loin dans le sens de la
xénophobie. Comme un héroïnomane qui sans cesse besoin d'augmenter sa
dose. Chantons avec Carla : tu es ma came….

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