Ceci n'est pas un billet sur la récupération politique.
Nicolas Sarkozy, dans un collège parisien explique aux enfants qui
l'entoure qu'ils auraient pu, eux aussi, être les victimes du tueur
qui a frappé à Toulouse et à Montauban. Sur Twitter, les parents dans
ma TimeLine sont choqués par cette façon de faire peur. Les phrases
sont effectivement assez fortes : "réfléchissez à cela". Les films de
la scène montrent notre Chanoine devant les enfants avec un peu un air
de prêtre, moralisateur avec des attitudes pédagogiques. Peu importe :
c'est un moment hautement symbolique et le Président de la R. doit
faire comme il peut, avec son style. Voyez comment je suis indulgent.
Alors en lisant ces phrases, je me dis que ce n'est peut-être pas si
grave, les collégiens peuvent l'encaisser. Avec les images, en
renvanche, ce que j'ai trouvé décevant, maladroit, léger, pas à la
hauteur, petit, c'est que Sarkozy a en fait terminé son discours sur
la peur, sur le "ç'aurait pu être vous". Ensuite il part, avec ses
journalistes, laissant les enfants réfléchir. Il manquait le "mais" :
/c'était horrible, ça nous concerne, mais… / Mais c'est la
République, mais c'est la France, mais nous ne pouvons pas laisser
cela s'installer, mais nous sommes meilleurs… mais n'importe quelle
bêtise pontifiante pour ne pas les laisser, nous laisser, devant
l'abîme de la peur sans fin.
Ce qui est bizarre, et qui montre une méconnaissance de son rôle (il a
"appris", mais pas tout), c'est justement le fait de ne pas chercher à
rassembler, réhausser, mais au contraire de laisser nos enfants en
suspens, devant la peur. Le récit ne se termine pas, il nous lâche
au moment où le grand méchant loup va dévorer tout le monde.
Mon anti-sarkozysme primaire est plus fort que moi, et donc je vois
dans cette pédagogie râtée le signe que, dès que la campagne
présidentielle aura "repris", ce sera sur le thème de la peur et de
l'insécurité. On veut nous faire du mal, il faut quelqu'un pour vous
protéger. Je ne sais pas encore quelles acrobaties permettront de
faire oublier la haine qui est derrière les événements de ces
derniers jours, mais l'une d'entre elles c'est de mettre l'accent sur
la victime, non sur les victimes réelles, qui ne sont pas, certes,
oubliées, mais sur la victime en chacun de nous, les victimes
potentielles. En effet, le "vivre ensemble" est mis en cause ici, et
si l'on veut vraiment réfléchir, il serait plus sain, plus digne de
penser à ce qui, en nous, en notre société, nous empêche de tomber
dans la haine, la méfiance et la barbarie. Si l'on va réfléchir,
réfléchissons à ce qui nous empêche d'être le bourreau.
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