Les Echos proposent dix raisons pour l'échec de Sarkozy. Voyons cela.
by omelette16oeufs on lundi 7 mai 2012
La façon dont la défaite de Sarkozy sera interprétée va avoir une
certaine importance pour la suite des événements. Parallèlement, on
aime utiliser le mot "échec" avec le nom de Sarkozy, et maintenant
personne ne viendra nous contredire. Sauf peut-être Valérie Pécresse,
Nathalie Kosciusko-Morizet ou l'incomparable Jean-François Copé, qui
croient encore à la réussite de leur programme, de leur héros, de leur
campagne et même à la survie de leur formation politique. En tout cas,
Les Échos ne mâchent pas leurs mots, et présentent Les dix raisons de l'échec de Nicolas Sarkozy. Voyons si on est d'accord.
La simple loi de gravité politique
Ils veulent dire un désir d'alternance politique. Je n'y crois pas du
tout, mais c'est anodin.La dure situation économique
La Crise : on sait. Oui, cela a joué.L'équation personnelle du candidat
Là, on arrive dans le vif du débat : quel rôle précis attribuer à la
personalité politique de l'ex-TGH. Les Échos expliquent :Dans la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait théorisé la mise sous
tension du débat public autour de ses idées. Son énergie, son goût de
la transgression, son hyper-présidence (à la fois concentration des
pouvoirs et banalisation de celui qui les exerce) ont « hystérisé »
son mandat.
Aux yeux du monde, son énergie était admirée et son leadership reconnu
à Washington, Berlin et Pékin. Mais aux yeux d'une partie des
Français, son énergie est devenue négative (au sens physique du terme,
répulsive), autre façon de parler de rejet parfois « tripal ». {« Ce
sera très difficile parce qu'on va payer les erreurs du tout début,
pourtant totalement secondaires} », déplorait déjà à l'automne
Jean-François Copé, le patron de l'UMP.
Le premier paragraphe est à peu près juste : le mandat a effectivement
été "hystérisé", et la formule est bien trouvée : "concentration des
pouvoirs et banalisation de celui qui les exerce". Surexposition
médiatique (concentration du regard sur lui) ; et concentration des
pouvoirs : à force de tout dominer en donant l'impression précisément
de tout dominer, produit inévitablement un contre-pouvoir. Comme ce
contre-pouvoir n'avait ni existence institutionelle (le Parlément
comptant pour du beurre), ni existence médiatique (hors Mediapart), il
s'est incarné chez les "vrais gens", il est devenu une "passion populaire" (comme dirait Guaino). Son erreur était de créer
l'impression d'un excès de pouvoir.
La lecture de notre cher Jeff Copé, en revanche, est légère : les
"erreurs […] pourtant totalement secondaires" – il pense au
Fouquet's et au yacht de Bolloré je suppose – ne sont que la partie
la plus visible du problème. Rien de ce qu'a fait Sarkozy par la suite
n'a jamais démenti l'avidité de pouvoir que ces premiers épisodes
soulignaient. Malgré tout ce qu'on a pu dire sur le Fouquet's et le
yacht, au moment ils n'ont pas eu d'effet sur la popularité du
président débutant. Ce n'est qu'un an plus tard qu'il s'est effondré
définitivement dans les sondages. L'illusion qui plaît beaucoup à
l'UMP consiste à prétendre que ce sont deux ou trois symboles qui ont
tout détraqué. Les "gens" (ou le Peuple Français, comme ils disent,
avec des trémolos) ne sont pas si bêtes et auraient vite pardonné ces
erreurs de communication si justement elles ne s'étaient pas avérées
emblématiques d'une certaine façon de manier le pouvoir, et d'un
narcissisme d'État qu'ils n'ont pu diagnostiquer avec certitude que
plus tard.
Le retard de la réaction populaire au Fouquet's et au yacht montrent
bien qu'il s'agit d'une relecture des faits : à partir du présent, en
2008, 2009, 2010, on remonte jusqu'au début du fil pour trouver
l'événement originel. Le Fouquet's et le yacht de Bolloré prennent ses
dans le "récit" de Sarkozy seulement quand on sait comment le récit se
termine.
Donc, Jeff : deux erreurs de comm ne suffisent pas à plomber un
quinquennat.Des embardées difficiles à suivre
Il s'agit là du virage à l'extrême droite et l'abandon de l'image
"capitaine du yacht… euh… du navire". Les Échos sont assez
charitables et attaquent seulement sur la question de la lisibilité et
du ciblage ("difficiles à suivre").
On minimise en disant que Sarkozy a perdu les pédales pendant les
quinze derniers jours. Mais pour vraiment comprendre, il faut remonter
également jusqu'en 2007, au siphonnage, puis redescendre en passant
par Hortefeux, les quotas d'expulsions, les Roms… Parallèlement au
reste, Sarkozy a conduit une politique inspirée des valeurs de
l'extrême droite, justement pour se permettre ces "embardées". Donc ce
n'était pas un hasard. Toute l'UMP était au courant et complice. Il
aurait fallu s'en plaindre un peu plus tôt.Un nouveau mandat, pour quoi faire ?
Oui, là c'est un gros problème de communication, mais qui est aussi la
conséquence du décalage entre une campagne FN et un programme RPR.Un virage mal négocié
Ici nous sommes profondément dans le territoire de la pensée
économique de droite. Sarkozy ne serait pas allé assez loin. Il était
déjà plombé par ses autres problèmes, à mon avis.A l'été 2009, deux de ses proches, Xavier Musca (conseiller économique
puis secrétaire général de l'Elysée) et Raymond Soubie (conseiller
social jusqu'en 2010) lui ont conseillé de changer de cap. La crise
justifiait, selon eux, une inversion des priorités en axant toute la
politique sur le redressement assumé de la France. Des réformes chocs
(35 heures, compétitivité…) qui auraient été contrebalancées par
l'abandon également assumé du « paquet fiscal ».La mauvaise foi du camp d'en face
Je passe…La bonne campagne de François Hollande
En effet….Une relation aux médias très compliquée
Retour à sa personnalité et à sa communication. L'amour excessif des
débuts serait transformé en une agressivité tout aussi
excessive. Personnellement, j'ai plutôt l'impression que les médias
ont continué à donner le bénéfice du doute à leur Président, et que
s'il y a eu une évolution sur ce plan, c'est que Sarkozy lui-même
s'est fait piéger par la sur-personalisation de son pouvoir. En tout
cas, je rejete l'hypothèse d'une revanche des médias.Un quinquennat, c'est court
Pas celui-là, non.
François Hollande a été élu tout à l'heure. Je suis soulagé, content,
mais l'émotion réelle n'a pas encore frappé. Je pense me réveiller
demain avec un optimisme nouveau. Ce n'est que la politique, mais en
temps quelque tonalité de l'existence est en train changer.
Nous avons évité une catastrophe irrépérable. Nous avons aussi la
chance d'avoir, avec François Hollande, un président si différent de
Nicolas Sarkozy. Pendant cinq ans, ou plus, on finit par croire que la
courbe de l'histoire va toujours dans le sens de plus d'hypocrisie,
plus de manipulation, et qu'il faut, pour vaincre, jouer le jeu. Je ne
m'attendais pas à cette issue, avec un président qui renverse le jeu,
qui fait une force du fait de ne pas être habile comme son
prédécesseur. La courbe va dans un nouveau sens, je ne sais lequel. On
verra. On est content.
Demain je prendrai la mesure d'aujourd'hui. Je salue quelques amis ce
soir, parce que des soir comme celui-ci n'arriveront pas
souvent. Merci donc à Juan, Marc, Dagrouik et puis tous les
Leftblogs. Vous avez fait beaucoup.
Fin de campagne oblige, je ne vais pas pester contre l'un ou l'autre
des candidats présidentiels. Peut-être grâce au cessez-le-feu, j'étais
en train réfléchir au système social français, de manière un peu
détachée. Je venais de lire ce papier dans The Economist qui parle du
chef de la BCE, Mario Draghi, et le cocktail d'austérité et de
croissance qu'il recommande pour l'Europe. J'ai lu aussi cet édito du
Monde, où est exprimé le regret que la campagne présidentielle n'a
pas permis d'engager le débat sur les vraies questions de
mondialisation, de l'international en général. Ils n'ont pas tout à
fait tort : la focalisation sur la personalité de Nicolas Sarkozy
(focalisation souhaitée par l'intéressé) et sur la question de
l'extrême droite et ses thèmes (souhaitée par le même candidat) ont en
effet dominé la couverture médiatique, et par conséquent la réalité
couverte.
Dans Ze Economist on lit ceci :
Instead Mr Draghi’s version of a growth compact would accomplish three
things. First, he wants more progress with structural reforms, in
product as well as labour markets, not least since enhancing
competition between firms is often the precondition for greater labour
flexibility. Second, he advocates more investment in infrastructure at
the European level and backs a better mix of fiscal retrenchment,
focused more on cutting current spending than on axing investment and
raising taxes.
Si comprend bien, le growth compact devrait accompagner la Règle
d'Or, pour complèter l'austérité par des mesures destinées à stimuler
la croissance et améliorer la compétitivité des entreprises
européennes. Ce qui m'a retenu, c'est la nécessité de "réformes
structurelles" aussi bien dans le "marché des biens" que celui du
travail. Au moins on admet que le droit du travail n'est pas l'unique
obstacle au bonheur, et que les connivences et les monopoles nuisent
autant à la productivité. C'est bien, même si évidemment Draghi n'est
pas non plus un mélenchonien.
Je pense donc aux "réformes structurelles" et à ce marché du
travail. Depuis cinq ans, le mot "réforme" me met automatiquement en
état d'alerte. Mais réfléchissons quand même.
Voici en tout cas mon idée, ma proposition. J'imagine qu'elle a déjà
était faite, mais tant pis, je fonce : le niveau de prélèvement sur le
travail devrait être inversement proportionnel à la durée et à la
stabilité de l'engagement. Tout emploi moins stable qu'un CDI aurait
un taux de prélèvement supérieur. La logique étant qu'une entreprise
qui embauche pour des courtes durées doit payer plus cher pour
compenser la précarité qu'elle impose au salarié.
Si on pense réellement en termes d'assurance chômage, c'est évident
que le risque de chômage est beaucoup plus élevé pour un salarié qui
n'a qu'un CDD de quelques mois. L'assurance devrait logiquement
coûter plus cher, et c'est, il me semble, approprié que ce soit
l'entreprise qui supporte le coût du risque, puisque c'est elle qui
bénéficie de la souplesse de l'engagement.
Autrement dit, la précarité devrait avoir un prix. Ou encore, du point
de vue de l'entreprise : la souplesse deviendrait quelque chose qu'on
achète, en même temps que le travail. Dans le système actuel, la
précarité (ou la souplesse) ne coûte rien à l'employeur, à la
différence de l'emploi stable ; c'est donc dans son intérêt
d'augmenter la précarité à chaque occasion, avec pour conséquence les
CDD à répétition avec leurs effets néfastes pour tout le monde,
salarié et entreprise. Si l'entreprise compensait, en argent, la
précarité (ou la souplesse), l'équation serait modfiée : quand la
souplesse était essentielle (pour telle ou telle raison), l'employeur
en aurait la possibilité, mais aurait intérêt à limiter de telles
solutions. En faisant appel au travail précaire, l'entreprise
participerait davantage à la solidarité nationale et à l'équilibre des
comptes.
Et tout le monde serait content.
Enfin, voilà l'idée. J'aimerais entendre pourquoi c'est une mauvaise
idée.
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À Nicolas Sarkozy, en briseurs de digues, en dépuceleur de pudeurs
Républicaines (on ne dit plus "droite décomplexée" mais "droite
dépucelée"), il ne manque que du temps, le temps d'aller assez loin
pour atteindre enfin le coeur de l'électeur xénophobe. Sûrement il y a
quelque part une formule magique qui débloque le Niveau 9 du jeu, où
soudain le compteur explose et enfin tous les électeurs de Marine Le
Pen l'acceuillent bras ouverts, le couvrent de bisous et le portent en
triomphe vers l'Élysée. Il fait siffler les journalistes, les élites,
mais ce n'est toujours pas assez. Que faut-il dire ? Quel bouc
émissaire ? Quelle formule pour enfin être assez droite ? Il
cherche. Buisson cherche. Guéant cherche. Ils n'ont plus que quelques
heures.
Pendant que Patrick Buisson relit une énième fois les oeuvres
complètes de Pierre Laval, je rappelle que l'un des enjeu du scrutin
de dimanche sera la validation de cette stratégie. C'était ce que je
disais hier, et la confirmation que la France est profondément à
droite, profondément xénophobe.
Cela dit, l'échec de cette stratégie, dont la courageuse défection de
François Bayrou est l'une des premières conséquences concrètes, tient
surtout, il me semble, à la nature particulière du vote d'extrême
droite, et l'illusion d'une extrême droite "fréquentable". Il n'y a
plus de skins, l'antisémitisme est passé au second plan (une
révolution en soi, je l'accorde), mais encore aujourd'hui, voter FN,
voter Marine Le Pen, c'est une forme de violence électorale. Et c'est
précisement cette violence que la famille Le Pen vend à ses clients
depuis des décennies.
On imagine un UMP futur (j'en parlais àpropos de Charles Millon et sa "La Droite") qui réaliserait de façon permanente du "siphonnage"
de 2007. De la même façon, Sarkozy rêve de convaincre tous les
électeurs du FN de voter pour lui dimanche. Peu à peu la violence
surgit, pour l'instant contre des journalistes (celle-ci et
ceux-ci). Mais cette stratégie ne peut pas tenir longtemps, car pour
survivre il faudrait qu'elle embrase l'UMP tout entière. L'Axe du Mal
de la droite devra assumer, ingérer intégralement cette violence pour
la contenir. La seule autre solution étant la violence permanente
d'État.
Votez. Votez. Donnez à François Hollande la marge qui signifiera
longtemps que la course à l'outrance de Nicolas Sarkozy sera toujours
un échec.
Votez. Votez. Votez.
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Obligation de nuire : un deuxième quinquennat avec Sarkozy serait pire que le premier
by omelette16oeufs on jeudi 3 mai 2012
Le débat d'hier soir semble avoir remis les pendules à
l'heure. François Hollande a brisé l'élan du Très Grand Homme (TGH),
cet élan artificiel qui allait de l'anniversaire de Julien Dray, au
Trocintox où étaient présents au moins 60 millions de français
(certains DOM se sont déplacés intégralement). Le spectre d'un Nicolas
Sarkozy capable de manipuler sa propre image commençait à refaire
surface, et on pouvait se laisser aller à imaginer que pendant au
moins quelques heures, dimanche, une proportion suffisante d'électeurs
seraient hypnotisés en allant au bureau de vote pour que le TGH
renverse in extremis son impopularité qui dure pourtant depuis
années.
Le danger immédiat semble écarté, et même le projet de l'UMP de faire
appel à la Patrouille de France pour remorquer un DSK (nu) gonflable
au dessus Marseille, Lyon, Paris et Lille ne devrait plus avoir
l'effet escompté.
Cette confiance restaurée ne devrait pas, pourtant, nous détourner de
ce qu'une victoire de Sarkozy representerait. Petite mise au point,
prenant en compte les développements de la dernière semaine.
Une réélection de Nicolas Sarkozy serait tout d'abord la validation de
tout ce qui s'est passé depuis cinq ans. Je vous épargne
l'énumération. Je pense notamment à ce qui a été fait aux étrangers,
aux Roms. Plus encore, c'est la forme des institutions et leurs
comportements qui serait consacrée. La perversion présidentialiste
avec suppression du gouvernement, la centralisation des pouvoirs, la
mainmise sur l'audiovisuel, toutes ces audacités qui auraient pu
n'être que le fait d'une paranoïa narcissiste individuelle,
devendraient de véritables traditions. En 2017, il serait trop tard
pour revenir dessus, ou en tout cas ce serait alors une véritable
révolution, nécessitant une volonté politique beaucoup plus
importante. (Il faudrait sans doute passer carrément à une VIe
République pour effacer dix ans de Sarkozy.)
Tout cela était déjà sur la table, dès lors que Sarkozy se lançait
dans la course cette année. L'absence de programme et le fait de ne
proposer que l'austérité laissent supposer que la situation économique
Européenne servirait de prétexte pour un renouvellement de la casse
des services publics, du droit du travail, du système social. Non
seulement les efforts dans ces domaines précédents du TGH auraient été
validés (car Sarkozy n'aurait payé aucun prix politique), mais La
Crise justiferait d'aller encore plus et plus vite.
Pire encore (à mon avis), si le fait de se vautrer devant les
électeurs de la droite franchement xénophobe (par opposition à l'UMP :
la droite hypocritement xénophobe) ne comporte aucun prix politique à
payer, Nicolas Sarkozy aurait non seulement un mandat, mais presque
une obligation d'aller beaucoup plus loin dans la pratique réelle des
ses idées xénophobes. La leçon qu'il aurait apprise ("j'ai appris",
n'est-ce pas ?), c'est que Hortefeux, Besson et Guéant n'en ont pas
fait assez, qu'ils n'ont pas pu se débarasser de leurs "pudeurs de
pucelles" (comme dirait Patrick Buisson, censé néanmoins être fan de
La Pucelle). De 2007 à 2012, la stratégie de Sarkozy consistait à
faire une politique réelle orientée sur les grandes entreprises et la
"libération du capitalisme", tout en procédant à des mesures odieuses
mais essentiellement symboliques. Voyant que cette approche lui avait
presque coûté l'Elysée, un Sarkozy réélu serait obligé de trouver les
moyens d'accelérer, en trouvant de nouvelles manières de signifier sa
xénophobie en ne laissant aucun doute s'installe chez ceux qui serait
tentés de voter Marine. La stratégie à long terme consisterait de
siphonner définitivement le Front National en intégrant à la fois ses
électeurs et ses idées dans l'UMP. J'ai des doutes sur la viabilité
d'un tel Axe du Mal, mais pas de doutes sur le fait que Sarkozy
tenterait de le réaliser s'il en avait l'occasion.
Bon… François Hollande a tenu le coup pendant le débat ; nous avons
vu l'affaissement progressif de la mine de Sarkozy tout au long de la
soirée. Espérons qu'en trois jours nous n'aurons plus à penser à
toutes les horreurs que j'ai alignés ici.
La "vraie" différence est quand il n'y a pas de différence
by omelette16oeufs on lundi 30 avril 2012
« Je n’accepterai pas qu’il n’y ait plus aucune différence entre être
français et ne pas l’être »
– Nicolas Sarkozy, meeting de Toulouse, 29 avril 2012
"Je n'accepterai pas", ou plutôt "j'accepterai pas" (nuance cruciale,
cette syntaxe décomplexée), c'est une formule fétiche du Très Grand
Homme (TGH). Elle est commode, car elle n'implique aucune action. Si
la chose visée ne peut pas être arrêtée, le TGH peut continuer à "ne
pas l'accepter" (ou à "pas l'accepter"). Il a beau "pas accepter" le
chômage, par exemple, il est toujours là. "(Ne) pas accepter" est un
état sans date d'expiration. On continue à "pas accepter" jusqu'à ce
que les gens oublient. C'est de la résistance bon marché, qui ne
mange pas de pain, et qui "passe bien en meeting". Ou à la télé, dès
fois.
Être français ou ne pas l'être, ce serait la question. Sous prétexte
de défendre "la différence" (valeur de gauche), Nicolas Sarkozy entend
écraser la différence à l'intérieur de la France. Si les français sont
trop différents les un des autres, certains (devinez qui) risquent de
ressembler plus à des citoyens d'autres pays qu'à leurs compatriotes
français de France. La "différence française" est donc une absence de
différence chez les français. Se promener un peu trop en djellaba,
c'est risquer de ressembler plutôt à un Africain qu'à un
Français. Par là, j'entends bien sûr : un "vrai Français".
Ou est-ce plus subtile encore ? C'est un moderne, notre TGH, et il
aime tout le monde. Ayons un peu moins de mauvaise foi. Admettons
qu'on puisse quand même garder sa djellaba si on conserve cette marque
de francitude intrinséque qui permet de faire le tri, parmi les
porteurs de djellaba, entre les français et les Autres. Reste à savoir
trouver cette marque : la langue de Molière ? Oui mais non, car il y a
des pays étrangers où l'on parle très bien le français, les
anciennes colonies par exemple. C'est le même problème avec la
culture, finalement. Quelle idée ils avaient, quand ils ont déclaré
que tous les indigènes dans les colonies étaient des Français,
citoyens de la République ! . Si seulement les gens avaient un code
barre quelque part, ou des RFID : on pourrait faire le tri quand ils
entraient ou quittaient des magasins… Des test ADN peut-être ?
Ce serait quand même beaucoup plus simple de supprimer la
djellaba. D'ailleurs avec la burqa et le voile cela a très bien
fonctionné.
La Nation est le reflet de cette différence irréductible. Avec trop de
différence entre les français (voir plus haut la djellaba) supprime la
Nation, trop de différence supprime la différence Française et rend la
France moins France Forte. Si vous laissez trop accumuler la
différence dans la France, il n'y a plus de différence entre la France
et la Pas-la-France. C'est pourquoi on a besoin de l'Europe, même si
l'Europe fait partie de la Pas-la-France, c'est une Pas-la-France qui
aide la France à lutter contre la Pas-la-France.
Et si ce n'est assez, lisez cet éxcellent édito d'un journal qui parle
français mais qui n'est pas Français, mais qui résume très bien les
subtilités de cette pensée. C'est ici.
- One comment • Category: sarkozy, xénophobie
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Ce sera bref.
Depuis vingt-quatre heures, ou un peu plus, Nicolas Sarkozy semble
soulagé d'avoir un sujet sur lequel il peut railler la gauche. DSK
est parfait, car bien sûr il y a du sexe, ou il y en avait, et donc
les médias relaient, les gens écoutent. Un bon sujet pour quelqu'un
comme Sarkozy. Le fait que la réalité de l'affaire, c'est qu'une sorte
d'entretien a été publié, plus des bonnes feuilles qu'un entretien
d'ailleurs. En somme, il ne se passe rien, ou presque, mais cela
n'empêche pas la campagne Sarkozy de réagir : fortement, vivement,
déspespérément, maladivement.
C'est frustrant de ne pas pouvoir utiliser les boules puantes
préparée pour la candidature de Dominique Strauss-Kahn. C'est facile
de les comprendre : ils veulent utiliser le thème quand même, bien que
cela n'a aucun rapport avec la campagne.
Jeudi, sur France Inter, le Très Grand Homme (TGH) passait son temps,
perdait son temps, dans des détails, sur Marianne et les "700
mosquées" (version 2012 des chars soviétiques sur le Champs-Elysée),
sur des broutilles. Ce n'était pas l'homme qui avait un message, qui
était habité par un désir de communiquer. Il voulait simplement
occuper l'espace médiatique, faire des remarques ironiques et
condescendates, autrement dit : exister.
L'impression qu'on finit par avoir, c'est que son vrai problème est un
manque de choses à dire. Le programme était risible. Les thèmes qui
auraient pu être les siens, la crise et l'Europe, il les a
abandonnés. Quand il fait du sarko-marinisme, il n'est pas crédible,
et il finit par le sentir. Pour finir il faut meubler, sauter sur la
moindre occasion de faire du bruit en réagissant à l'actualité de
façon improvisée.
Sa campagne se résume donc à :
Xénophobie ;
Dire du mal de Hollande et "les socialistes" ;
Lui.
Par "Lui", je veux dire : le ton de sa voix, ses mimiques, son côté
sympa avec les journalistes qui lui servent la soupe. Comme si cela
devait nous suffire de le voir respirer, sourire, faire des grimaces,
s'énerver, rigoler ; comme si en occupant ainsi la scène, le message
de son absence de message finirait par prendre.
- Leave your comment • Category: communication, sarkozy
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