La "vraie" différence est quand il n'y a pas de différence

by omelette16oeufs on lundi 30 avril 2012



« Je n’accepterai pas qu’il n’y ait plus aucune différence entre être
français et ne pas l’être »



– Nicolas Sarkozy, meeting de Toulouse, 29 avril 2012






"Je n'accepterai pas", ou plutôt "j'accepterai pas" (nuance cruciale,
cette syntaxe décomplexée), c'est une formule fétiche du Très Grand
Homme (TGH). Elle est commode, car elle n'implique aucune action. Si
la chose visée ne peut pas être arrêtée, le TGH peut continuer à "ne
pas l'accepter" (ou à "pas l'accepter"). Il a beau "pas accepter" le
chômage, par exemple, il est toujours là. "(Ne) pas accepter" est un
état sans date d'expiration. On continue à "pas accepter" jusqu'à ce
que les gens oublient. C'est de la résistance bon marché, qui ne
mange pas de pain, et qui "passe bien en meeting". Ou à la télé, dès
fois.



Être français ou ne pas l'être, ce serait la question. Sous prétexte
de défendre "la différence" (valeur de gauche), Nicolas Sarkozy entend
écraser la différence à l'intérieur de la France. Si les français sont
trop différents les un des autres, certains (devinez qui) risquent de
ressembler plus à des citoyens d'autres pays qu'à leurs compatriotes
français de France. La "différence française" est donc une absence de
différence chez les français. Se promener un peu trop en djellaba,
c'est risquer de ressembler plutôt à un Africain qu'à un
Français. Par là, j'entends bien sûr : un "vrai Français".



Ou est-ce plus subtile encore ? C'est un moderne, notre TGH, et il
aime tout le monde. Ayons un peu moins de mauvaise foi. Admettons
qu'on puisse quand même garder sa djellaba si on conserve cette marque
de francitude intrinséque qui permet de faire le tri, parmi les
porteurs de djellaba, entre les français et les Autres. Reste à savoir
trouver cette marque : la langue de Molière ? Oui mais non, car il y a
des pays étrangers où l'on parle très bien le français, les
anciennes colonies par exemple. C'est le même problème avec la
culture, finalement. Quelle idée ils avaient, quand ils ont déclaré
que tous les indigènes dans les colonies étaient des Français,
citoyens de la République ! . Si seulement les gens avaient un code
barre quelque part, ou des RFID : on pourrait faire le tri quand ils
entraient ou quittaient des magasins… Des test ADN peut-être ?



Ce serait quand même beaucoup plus simple de supprimer la
djellaba. D'ailleurs avec la burqa et le voile cela a très bien
fonctionné.



La Nation est le reflet de cette différence irréductible. Avec trop de
différence entre les français (voir plus haut la djellaba) supprime la
Nation, trop de différence supprime la différence Française et rend la
France moins France Forte. Si vous laissez trop accumuler la
différence dans la France, il n'y a plus de différence entre la France
et la Pas-la-France. C'est pourquoi on a besoin de l'Europe, même si
l'Europe fait partie de la Pas-la-France, c'est une Pas-la-France qui
aide la France à lutter contre la Pas-la-France.



Et si ce n'est assez, lisez cet éxcellent édito d'un journal qui parle
français mais qui n'est pas Français, mais qui résume très bien les
subtilités de cette pensée. C'est ici.

Difficile de faire campagne quand on n'a rien à dire

by omelette16oeufs on dimanche 29 avril 2012

Ce sera bref.



Depuis vingt-quatre heures, ou un peu plus, Nicolas Sarkozy semble
soulagé d'avoir un sujet sur lequel il peut railler la gauche. DSK
est parfait, car bien sûr il y a du sexe, ou il y en avait, et donc
les médias relaient, les gens écoutent. Un bon sujet pour quelqu'un
comme Sarkozy. Le fait que la réalité de l'affaire, c'est qu'une sorte
d'entretien a été publié, plus des bonnes feuilles qu'un entretien
d'ailleurs. En somme, il ne se passe rien, ou presque, mais cela
n'empêche pas la campagne Sarkozy de réagir : fortement, vivement,
déspespérément, maladivement.



C'est frustrant de ne pas pouvoir utiliser les boules puantes
préparée pour la candidature de Dominique Strauss-Kahn. C'est facile
de les comprendre : ils veulent utiliser le thème quand même, bien que
cela n'a aucun rapport avec la campagne.



Jeudi, sur France Inter, le Très Grand Homme (TGH) passait son temps,
perdait son temps, dans des détails, sur Marianne et les "700
mosquées" (version 2012 des chars soviétiques sur le Champs-Elysée),
sur des broutilles. Ce n'était pas l'homme qui avait un message, qui
était habité par un désir de communiquer. Il voulait simplement
occuper l'espace médiatique, faire des remarques ironiques et
condescendates, autrement dit : exister.



L'impression qu'on finit par avoir, c'est que son vrai problème est un
manque de choses à dire. Le programme était risible. Les thèmes qui
auraient pu être les siens, la crise et l'Europe, il les a
abandonnés. Quand il fait du sarko-marinisme, il n'est pas crédible,
et il finit par le sentir. Pour finir il faut meubler, sauter sur la
moindre occasion de faire du bruit en réagissant à l'actualité de
façon improvisée.



Sa campagne se résume donc à :




  • Xénophobie ;


  • Dire du mal de Hollande et "les socialistes" ;


  • Lui.





Par "Lui", je veux dire : le ton de sa voix, ses mimiques, son côté
sympa avec les journalistes qui lui servent la soupe. Comme si cela
devait nous suffire de le voir respirer, sourire, faire des grimaces,
s'énerver, rigoler ; comme si en occupant ainsi la scène, le message
de son absence de message finirait par prendre.

UMP : Soudain, comme ça, Sarkozy est devenu xénophobe ?

by omelette16oeufs on samedi 28 avril 2012

Il y a désormais un consensus médiatique : Nicolas Sarkozy court après
le Front National, pille son programme, est parti dans une "course à
l'échalote". La chose est admise, par les médias et par un certain nombre de membres de la majorité. La course après le Front National
existe désormais aux yeux du plus grand nombre. Seul Sarkozy lui-même
peut encore nier, avec sa fausse naïveté siropeuse habituelle, qui
lui permet de dire une chose et son contraire selon les publics.



En préparation pour le cataclysme annoncé, une partie de l'UMP
commence tout doucement à prendre ses distances avec son candidat et
ses excès. L'Express, par exemple, nous dit que "Gaullistes,
centristes, humanistes… Tous tiennent à rappeler que l'UMP n'est pas
qu'une droite qui fait la course au FN."



Peu à peu, les "modérés" de l'UMP semblent prendre leurs distances. On
rend Patrick Buisson responsable de tout. C'est un gourou qui aurait
hypnotisé le Très Grand Homme (TGH) :



« C’est un gourou total! Il a une influence irrationnelle sur le
président, qui l’appelle trois fois par jour », raconte, dépité, un
membre de l’équipe de campagne.






Surtout, les "grands" de l'UMP, ceux qui souhaitaient une campagne
avec un vrai capitaine, une vraie barque et une vraie tempête, voient
dans Buisson l'explication de leurs ennuis actuels :



Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le chef du
gouvernement, François Fillon, accuseraient même Patrick Buisson
d’avoir favorisé l’extrême droite au premier tour. "Voilà où Buisson
nous a conduits, râle Alain Juppé le 22 avril au soir, selon 'Le
Canard Enchaîné'. Il devait faire baisser le Front et Marine Le Pen
fait 1,6 million de voix de plus que son père [en 2002, NDLR]".






C'est la faute à Sarkozy, mais encore plus la faute à Buisson, avec
ses pouvoirs occultes, qui aurait poussé son Président dans une sorte
de démence.



Après l'élection les couteaux vont sortir et nous verrons beaucoup de
créativité dans les manières de prendre de la distance vis-à-vis de
Nicolas Sarkozy. Le culte de l'homme fort, et la peur d'être designé
comme responsable de la défaite suffisent à tenir presque tout le
monde. Bientôt ils vont pouvoir chanter tous : "ce n'était pas nous,
nous on est les gentils". (Enfin pas tous : il y a aussi ceux qui ne
rêvent que d'avoir l'occasion de partir d'un virage droitier sans
retour. Ils suivront leur chef sans doute.)



Donc, à tous ces humanistes, modérés, "vrais gaullistes", adultes
responsables, républicains "authentiques", je voudrais simplement
suggérer que c'est un peu tard de se réveiller, et que cela fait cinq
ans que dure la dérive droitière, xénophobe et anti-républicaine de
Sarkozy. Et je voudrais suggérer que cela ne dérangait personne à
l'UMP tant que leur "soupe" n'était pas menacée par une défaite, qu'il
n'y a pas eu beaucoup d'objecteurs de conscience parmi leurs rangs. Je
voudrais surtout leur faire comprendre que ce n'est pas en criant
"Patrick Buisson ! Patrick Buisson !" qu'ils vont pouvoir se laver de
tout ce qu'a fait Sarkozy à cette République dont ils se réclament.



Ce qui se passe actuellement n'est que le dévoilement au grand jour de
ce qui se prépare depuis cinq ans, ou davantage encore. Un coup
d'accelérateur juste en arrivant devant le mur, mais pas un coup de
volant. L'UMP modéré a-t-il oublié Hortefeux, Besson et Guéant ?
Patrick Buisson avait-il mangé les cerveaux de ces augustes défenseurs
des droits de l'homme avant de réussir à atteindre les sept cerveaux
de Sarkozy ? Le pacte avec le diable fut réalisé en 2007, ou avant,
quand l'UMP a réussi à siphonner les idées du Front National. Le
"diable" ce n'est pas le FN, ou la famille Le Pen, mais leurs idées,
qui salissent tous ceux qui les reprennent.



N'essayez donc pas, chers "modérés", de vous détacher soudain de
Sarkozy. Vous étiez là, vous étiez au courant, vous avez profité. Pour
être humaniste il fallait se réveiller plus tôt.

Trop d'étrangers ? Répondre à une question piégée

by omelette16oeufs on vendredi 27 avril 2012



Avez-vous arrêté de battre votre femme ?



Euh… je n'ai jamais…



Oui ou non ! Pas d'esquive !






Pujadas, hier soir, pose encore à François Hollande la question : "y
a-t-il trop d'étrangers en France ?" Hollande dit, une fois de plus,
qu'il n'expulserait pas les étrangers en situation régulière, mais
expulserait ceux en situation irrégulière. Pujadas le presse sur sa
"conviction" ou son "sentiment" intime : "trop d'étrangers ?"



François Hollande ne veut pas répondre "non, il n'y en a pas trop",
sachant qu'aussitôt la droite l'accusera de vouloir les portes à
"toute la misère du monde". Il ne va pas quand même dire "oui, il y en
a trop", justifiant ainsi tous les fantasmes xénophobes de la majorité
anti-républicaine de l'UMP. Et le format télévisuel, les exigences de
la communication ne permettent pas à Hollande d'expliquer que la
question est terriblement biaisée, piègée et sortie tout droit de la
rhétorique sarko-mariniste. (Voilà un concept : le
sarko-marinisme. Seulement cinq réponses sur Google pour l'instant.)



Bien évidemment, la question, débarrassée de sa fausse naïveté, est
plutôt : "est-ce que notre problème, ce n'est pas l'excès d'étrangers
?" En poussant, on remplace "étrangers" par "immigrés" (la question
c'est "l'immigration" après tout), on ajoute un peu de "halal", un peu
du "vote communautaire", une dose de "Tariq Ramadan" et la
triangulation thématique s'enclenche. Plutôt que parler des flux
migratoires nous sommes en train parler, encore une fois, de la place
de l'Islam dans la société.



Hollande répond effectivement en refusant la question, sans pour
autant dire qu'il la refuse. Il essaie de prendre de la hauteur, il
parle en homme d'État : expulser ou ne pas expulser ? Le
téléjournaliste veut de l'émotion, du sentiment, veut finalement qu'il
se place dans la dimension sarkozyste, ce monde imaginaire, celui du
petit village français, où tout est symbolique et où la réalité
importe peu. Hollande évite de se laisser entrainer sur ce terrain et
c'est tant mieux. Le prix à payer, du moins aux yeux des journalistes,
c'était de sembler "esquiver" la question, et de tomber dans l'un des
autres éléments de langague de l'UMP.



La journaliste du Monde sur le plateau n'hésite pas à enfoncer le
clou, et c'est ce qui apparaît dans le résumé que le journal
publie ce matin :



Le candidat PS, qui passait le premier, s'est efforcé de se poser en
opposition à son adversaire et d'apparaître aussi "présidentiel" que
possible, même s'il a parfois donné l'impression d'esquiver.






Si c'est le prix à payer, tant pis. Je garde le regret, cependant, que
le candidat n'ait pas explosé la question elle-même. C'est toujours
plus facile de trouver des réponses après coup. Voici la mienne :



Trop d'étrangers en France ? Vous voulez dire : est-ce le problème de
la France qu'il y a trop d'étrangers ? Le candidat sortant, comme
d'ailleurs la candidate du Front National, voudraient nous faire
croire que les "immigrés" sont la cause de tous nos problèmes, le
chômage, les déficits de nos comptes sociaux. C'est une manière de
nous détourner des vrais problèmes et des vraies solutions. C'est ça
l'esquive.




Edit: Voir le billet de Dagrouik publié presque simaultanément.

Les électeurs du Front National et la gauche

by omelette16oeufs on mercredi 25 avril 2012

Depuis longtemps, sur ce blog, je fustige la xénophobie et son
exploitation par le pouvoir sarkozyste. Puisque je parlais de Sarkozy,
de l'UMP, d'Hortefeux, Besson et Guéant, et surtout de la
communication et des idées, je ne me suis pas préoccupé de ceux qui
vote réellement pour Marine Le Pen. Ce qui m'interessait, c'était la
responsabilité des responsables politiques qui exploitaient certains
sentiments.



Et avant de commencer, il faut savoir que je crois beaucoup à la
dimension pédagogique des discours politiques. Sarkozy et Le Pen ne
s'alignent pas sur une xénophobie qui est simplement là déjà ; ils
apprennent à leurs électeurs à être xénophobes, à comprendre
l'ensemble des questions sociales et économiques à travers la lentille
de l'islamophobie, qui a remplacé l'antisémitisme dans les rouages du
populisme de droite.



Cela ne veut pas le racisme et la peur de l'autre n'existeraient pas
sans Sarkozy et la famille Le Pen. Le rôle est de valider,
d'encourager ce sentiment, de le nourrir et d'enrichir son application
à une vision du monde. Ainsi va le trafic des raccourcis habituel :
insécurité ? immigation ; chômage ? immigration ; déficits ?
immigration ; Europe ? fermer les frontières (ou sortir de
l'euro). Tous les bouleversements des vingt dernières années --
mondialisation, désindustrialisation, deuil des Trente Glorieuses --
sont remplacés dans ces représentations par un équivalent en
carton-pâte où tout tourne autour de la figure de l'immigré et la
nostalgie d'un passé d'avant la décolonialisation. (Car, comme je l'ai
dit tant fois déjà, "l'immigré" qu'on voudrait empêcher de penétrer
dans l'espace Schengen, est en fait ce Français dont les grand-parents
sont nés au Maghreb.)



Mais les électeurs eux-mêmes ? Et Hollande et le PS, que doivent-ils
faire devant ce 19% ? Aujourd'hui Marc Vasseur touittait ceci :



à la louche FN : 1/3 fachos (un peu moins je pense) 1/3 réac droitards
1/3 déclassement/oublié (un peu plus)






Cela me paraît assez raisonnable. (Voir aussi ZeRedac.) Ce qui
voudrait dire que la différence entre un FN à 12% et un FN 19%, c'est
ce gros tiers qui, si tout était transparent et logique, ne serait pas
à sa place chez Le Pen.



La démarche de Hollande me semble parfaitement claire et justifée à
cet égard :



Sur l'immigration, j'ai dit ce que j'avais à dire. Je m’adresse à ceux
qui ont fait le choix et qui l'ont fait par colère, par frustration,
souvent des ouvriers, des employés, à ceux qui connaissent le
chômage. Et quand vous regardez une carte sur le vote FN et une sur le
chômage, vous avez parfois coïncidence. Je ne dois pas les laisser de
côté.






Mais le message peut-il passer ? C'est là que revient le problème
"pédagogique". Hollande a beau dire : si on combat la précarité, vous
allez être mieux, vous aurez moins peur de l'Islam. Celui qui a
ainsi succombé aux mystifications du Front National ne peut plus
comprendre les choses ainsi, et ne croit pas de toute façon à la
capacité des instances politiques de résoudre ses problèmes
concrets. Reste donc l'immigré comme "problème" fantasmatique, dans
une immédiateté qui prend le dessus sur les subtilités de la
macroéconomie.



Il y a donc un effort à faire envers ceux que Marc désigne par
"déclassement/oubliés", un effort de communication, certes, mais c'est
seulement sur le long terme. L'État Français et le Front National,
ensemble, font leur propre "pédagogie" depuis cinq ou dix ans, pour le
premier, et des décénnies pour le second. Il sera difficile d'effacer
cela rapidement.



Pour la droite (ancienne droite républicaine), les choses sont plus
compliquées encore, ce que montre le très fort rejet de Nicolas
Sarkozy, justement chez les électeurs de l'extrême droite. On parle de
44% seulement de report de voix en faveur de ce dernier. C'est
faible. Le succès de Sarkozy en 2007 était fondé dans l'illusion qui
consiste à faire croire que les défenseurs du grand capital vont
améliorer la vie des déclassés simplement en chassant les Arabes. La
dérive actuelle du chef de l'État montre que pour maintenir
l'illusion, il doit aller de plus en plus loin dans le sens de la
xénophobie. Comme un héroïnomane qui sans cesse besoin d'augmenter sa
dose. Chantons avec Carla : tu es ma came….

Sarkozy, un homme faible

by omelette16oeufs on mardi 24 avril 2012

Sarkozy est en train de rater sa sortie.



Il a été dit suffisamment que son mandat ne laissera aucun symbole
positif, genre abolition de la peine de mort ou même suppression du
service militaire obligatoire. Le passif en revanche est assez
lourd. Les adorateurs fidèles pouvaient encore espérer que la ligne
"il a obéi tranquillement à Merkel pendant la crise" assurerait à
leur héros au moins une image de grand homme d'État.



Il pouvait perdre tranquillement et même se dire victime collatérale
de la crise qui a balayé tant d'autres chefs d'État européens. Il
pouvait tenter de sauver les meubles en se montrant à la hauteur,
digne.




Dupont : Nous bander les yeux ?… Jamais de la vie : un Dupont veut
voir la mort en face…



Dupond : Je dirais même plus : un Dupond veut voir la fort en masse !…






Mais non. Il sera de ceux qui s'aggrippe à leur fauteuil jusqu'au
dernier moment, comme il gardait le stylo roumain. Ne rien
lâcher. Parfois, Monsieur le P., le brave est celui qui sait
renoncer. Sarkozy est en train de parfaire le portrait que l'on
gardera de lui : celui qui était toujours prêt à s'abaisser pour
plaire. Souvenez-vous de ses discours siropeux à Washington, Londres
et Rome où s'est senti le besoin de séduire les plus forts, même
parfois contre son propre pays. Il n'est pas difficile d'imaginer que
son ascension fulgurante dans les rangs du RPR était due à cette
tendance à flatter ses supérieurs.



Manque de chance (mais c'est plutôt karmique) : le dernier "plus fort"
auquel il aura affaire pendant son mandat, ce sera les électeurs du
Front National. Et comme d'habitude, son intérêt personnel va prendre
le dessus. Il est difficile de dire qu'il sert encore une cause, tant
il est prêt à trahir les idéaux qu'il était censé défendre. La seule
cause qui reste est la sienne, et pour l'avancer il part séduire les
électeurs de l'ennemi héréditaire du mouvement gaulliste, en donnant
des gages de crédibilité républicaine à cette force de mystification
qui trafique le malheur des gens avec une illusion xénophobe
fondamentalement dangereuse, fondamentalement et irrévocablement
anti-républicaine.



C'est la dernière "France" qui lui reste à séduire. Il n'hésite pas,
il se lance, s'abaisse, nous rabaisse en même temps, détruit ce qui
lui restait de crédibilité historique dans la vaine tentative de
grappiller quelques points. Bassesse, faiblesse, petitesse,
mesquinerie, narcissisme.



Si c'est bien cette image que l'histoire gardera de Nicolas Sarkozy,
il aura tout fait pour la mériter.

L'échec de Charles Millon

by omelette16oeufs on lundi 23 avril 2012

Les plus jeunes parmi vous ne se souviennent de Charles Millon, UDF,
droite catho (pro-peine de mort, anti-avortement), ministre de la
défense sous Chirac. Aux élections régionales de 1998, en Rhône-Alpes,
il se retrouve dans la position de Nicolas Sarkozy aujourd'hui : il
avait besoin des voix du Front National pour garder le conseil
régional. Peu après (et après son exclusion de l'UDF, due notamment à
François Bayrou ; Madelin quitte l'UDF en même temps) il fond son
propre "mouvement", La Droite. L'idée était que la droite dite
républicaine ne devait pas se priver du Front National, puisque
celui-ci faisait naturellement partie de La Droite.



L'épisode des régionales 1998 a été le début de la dégringolade
personnelle de Millon. L'idée d'une grande droite allant de Hitler à
de Gaulle et même jusqu'à Tocqueville, n'est pas morte pour autant.
C'était la droite décomplexée avant l'heure, et on peut être certain que
Millon n'était pas le premier à regarder les resultats en se disant
que si on additionnait les scores RPR, UDF et FN, la droite, ou La
Droite, serait imbattable pour toujours. Ou du moins pour mille ans,
ou quelque chose comme ça.



Si Nicolas Sarkozy, ainsi que les inséparables Copé et Fillon, se
retrouvent depuis hier dans la même position que Millon, il y a
plusieurs différences importantes, la première étant qu'ils ont à
séduire des électeurs et non pas des élus, comme c'était le cas pour
Millon. La seconde, c'est que depuis cinq ans, c'est déjà La Droite,
ou sa réincarnation, qui gouverne la France, Sarkozy se faisant élire
sur un programme faisant la synthèse idéologique de l'UMP et du FN. Il
n'y a pas de sens de parler d'une coalition pour une élection
présidentielle, mais l'élection de 2007 y ressemblait fortement, sur
le plan des idées sinon sur celui des personnes.



Depuis 2007, Sarkozy, Besson, Hortefeux et Guéant ont fait ce qu'ils
pouvaient pour mener une politique qui devrait plaire au Front
National. La synthèse n'était pas seulement dans les mots



La question devant les électeurs cette année est donc : veut-on
reconduire La Droite ? L'échec du premier tour, avec le retour massif
des électeurs FN vers leur pays d'origine (on les aime, mais on les
aime chez eux), signe l'échec de cette stratégie et l'échec de l'idée
même d'une Grande Droite.



Le problème, c'est que ce qui motive le Front National, son moteur
xénophobe, n'est pas compatible avec la droite conservatrice. Je ne
parle même pas de compatiblité avec la République. (Nous sommes
décomplexés maintenant, n'est-ce pas ?) L'électeur xénophobe, pour
diverses raisons, veut toujours plus, et n'a rien à faire justement de
défendre le capital. Il est tout sauf conservateur. J'écrivais l'autre jour :



Maintenant que Sarkozy a cinq ans de bilan derrière lui, que les
xénophobes souffrent tout autant de leur xénophobie, qu'il n'est plus
possible de promettre de tout faire péter ("pourquoi ne l'a-t-il pas
déjà fait ?"), il ne peut plus générer cette charge émotionnelle qui
fait rêver les oppressés de leur race. C'était prévisible,
d'ailleurs. Et maintenant, pitoyablement, il doit prononcer les mots :
"venez avec moi, on trouvera des 'solutions'". Mais le malade ne veut
pas d'une "solution", sinon il ne serait pas malade. Il veut tout
faire péter, comme toujours.






L'électorat du Front National ne veut pas du système, ne veut pas de
la réalité, ne veut pas de l'UMP, ne veut même pas des mesures de
Claude Guéant, aussi odieuses qu'elles soient. (Individuellement, les
électeurs se trompent, arrivent entre les mains de Marine pour
diverses raisons, plus ou moins bonnes. Ce ne sont pas tous des
enragés : je parle plus des idées que des gens qui sont attirés par
les idées. Le drame aujourd'hui c'est que presque vingt pourcent des
électeurs souhaitent se mettre hors du jeu.)



Donc La Droite ne marche pas, et ce n'est pas à cause des grands
principes républicains bafoués. Même décomplexée, La Droite ne marche
pas parce qu'elle se fracture de l'intérieur. Elle ne marche pas parce
que le Front National n'y retrouve aucun intérêt.

Chers gauchistes : le vote réel

by omelette16oeufs on vendredi 20 avril 2012

La Ve République, et à plus forte raison sa version post-septennat, et
encore plus la version peoplisée, focalise toute notre et notre
énergie sur une seule élection pour choisir un seul bonhomme. Les
coalitions sont impossibles. On est censés se reconnaître en la
personne de l'homme providentiel que nous choisissons parmi les dix
hommes (et femmes) providentiel(le)s. Le système favorise les
manipulations et les brouillages entre personalité, image et
politique. Mais c'est comme ça. J'en ai parlé l'autre jour.



La tentation, donc, pour le vrais gauchistes, est de profiter de
l'occasion pour s'exprimer, dire que les réalités sur lesquelles est
fondé le discours politique qui passe pour "raisonnable" déforment les
représentations, limitent nos options, tuent la politique. Moi-même je
ne suis pas insensible à ces analyses, surtout pour leur dimension
critique. C'est comme le marxisme : il reste un excellent instrument
de diagnostic, mais un horrible instrument pour réparer les torts
qu'il identifie si bien.



Le problème c'est que, en dépit de tous les beaux principes démocratiques
(et surtout individualistes, voire romantiques), si vous utilisez
votre vote dimanche pour vous exprimer, vous allez le gaspiller, voire
renforcer votre ennemi.




  • C'est irresponsable de penser que de toute façon Hollande va gagner
    au second tour. Vous laissez les autres faire le travail, en vous
    contentant de vous exprimer. Que ferez-vous si les sondages
    n'existaient pas ?


  • En admettant qu'il accède au second tour, le score de François
    Hollande au premier compte beaucoup. Un Sarkozy affaibli par un
    mauvais score au premier tour sera pendant les quinze jours à venir
    d'autant plus vulnérable, plus désespéré, d'autant moins épaulé par
    ses fidèles camarades.


  • Dire Hollande/Sarkozy, même combat, c'est oublier tout ce qui s'est
    passé depuis cinq ans, c'est oublier que Sarkozy a gravement
    perverti le fonctionnement de notre démocratie, qui avait déjà ses
    problèmes avant qu'il s'en mêle. Sa réélection validerait son
    comportement pendant le premier mandat et ouvrira la porte à des
    nouvelles dégradations pendant le second.


  • Pour peser à gauche, pensez plutôt aux législatives. Je sais que ce
    n'est génial, mais c'est aux législatives que les pourcentages de la
    composition du vote à gauche à un véritable sens.





Dimanche, avec votre vote, posez-vous la question : quel choix va
faire le plus de bien à toutes les personnes réelles qui sont affectées
par la conduite de la politique du pays ?

Sarkozy défait par l'excès de sa propre puissance

by omelette16oeufs on mercredi 18 avril 2012

Échec et excès se trouvent bizarrement associés, dans ce qui devraient
être les derniers jours du règne du "Monarque". Le paradoxe de
Sarkozy, c'est aucun président jusqu'à présent n'a amassé autant de
puissance politique, médiatique, financier, autant de réseaux. Le
principal parti d'opposition a passé la plus grande partie du
quinquennat affaibli par "l'ouverture" et engagé surtout dans des
querelles et des luttes internes. L'UMP, malgré quelques petites
rivalités inévitables, est restée globalement unie derrière son futur
candidat. Le rival chiraquien fut neutralisé par l'affaire
Clearstream. Le principal danger à gauche se retrouve embourbé dans de
sombres histoires éroto-judiciaires. De bien de points de vue, c'était
le paradis sarkozyste sur terre.



Cette situation aurait dû garantir une réélection facile. Tout était
boulonné. Je me souviens d'avoir dit, à de nombreuses reprises,
"certes Sarkozy est impopulaire maintenant, mais c'est parce qu'il n'y
a personne en face". En plus des ses énormes avantages stratégiques,
on savait que Sarkozy était un excellent tacticien électoral.



Le fidèle sarkozyste, lisant ces mots, objectera, hagard : "mais la crise !
mais la crise ! Vous oubliez la crise, espèce de sale gauchiste à la
mauvaise foi grande comme le trou de la Sécu !" Cela n'a sûrement pas
aidé, je reconnais, mais une fois que le fidèle sarkozyste aura
réussi à se maîtriser, je lui ferai juste remarquer que l'impopularité
de son champion date d'avant les subprimes. Ses Ray-Bans et ses
fiancailles à la hussarde avec un top', son "pov'con" et autres fautes
de goût avaient déjà commencé à plomber son image.



Pour montrer à quel point je voudrais être bienvieillant envers le Chef de
l'État, je dirais que malgré Carla, les Ray-Bans et la crise, tout
pouvait encore être rattrapé. Il avait le temps, trois ou quatre ans
pour se "représidentialiser" ou encore trouver une nouvelle manière de
séduire la France. Il avait le temps et les ressources, même si on
oublie l'ombre des 50 millions (80 millions de dinars) de l'ami
Mouammar.



Qu'est-ce qui s'est donc passé ?



Pour une partie importante de la population, y compris beaucoup des
"braves gens" qui étaient la cible principale de Sarkozy en 2007, le
Très Grand Homme (TGH) est devenu parfaitement, définitivement
imbuvable. Ce mouvement de foule peut s'expliquer de diverses façons,
et je suis sûr que les historiens s'interrogeront longuement
là-dessus.



L'extrême personalisation de l'action politique, ainsi que la
centralisation du pouvoir sont, ensemble, responsables de son
échec. La personalisation expose chaque petit défaut, et le projete
sur l'écran géant du pays entier. Combinée avec le poids du pouvoir,
la personalisation fait que quand le Président est léger, il paraît
lourd et trop léger à la fois ; quand il est lourd, le bonhomme n'est
pas à la hauteur du personnage qu'il voudrait incarner. Il voudrait
dominer en fascinant, mais la fascination conduit vite ridicule des
moindres gestes.



Tous les avantages du Président-Candidat et du Candidat-Président ont
finit par l'écraser. Dans un système sans contre-pouvoir, Sarkozy a
réussi à en créer un, un contre-pouvoir populaire, le refus d'une
majorité des français d'être dominés par le système
médiatico-politique. Plutôt que de mettre en cause tout le système,
ils en veulent à celui qui se glorifie d'en être le
marionnettiste-en-chef. Sarkozy s'est finalement écrasé lui-même, sous
le poids du trop plein des pleins pouvoirs.

L'économie est ailleurs

by omelette16oeufs on mercredi 11 avril 2012

Lors des débats sur la hausse de la TVA – dite "sociale", puisqu'elle
permet aux gens qui gagnent le moins d'augmenter leur participation au
financement des services sociaux – on avançait cet argument qui me
semblait, à l'époque, assez étrange : la hausse de la TVA serait une
manière de taxer les importations en provenance de notre grand ennemi
économique, la Chine. Je ne voyais pas comment on pouvait l'affirmer,
puisqu'avec la TVA, on ne peut pas cibler les produits par leur
origine industrielle. Parallèlement, la hausse de la TVA ne devait
rien coûter aux consommateurs parce que la concurrence ferait baisser
les prix. Cet argument là, je ne le comprenais pas non plus, une taxe
comme la TVA étant justement neutre en termes de concurrence : si on
augmente le prix de l'iPhone que j'ai envie d'acheter, ce n'est pas
comme si j'allais me rabattre sur des poireaux français.




Les mois passent et je pense à autre chose. Puis, hier, alors que je
commençais à songer à faire un billet pour expliquer mes réserves sur
Mélenchon, sujet complexe et subtile s'il en fut, je tombe sur cet
édito dans les Échos, plein de mépris et dédain pour les électeurs de
Front de Gauche (partagés, d'après l'auteur, entre des staliniens
quasi terroristes et des bobos conformistes). Le succès de Mélenchon
doit être un grand soulagement pour certains, qui peuvent sortir des
vieux arguments et clichés qui n'ont pas servi depuis la chute du
mur. Bref, notre éditorialiste, Henri Dubreuil, finit son billet sur
le SMIC à 1 700 euros :



Il reste malgré tout primordial de combattre les idées mortifères d’un
diable rouge ayant troqué sa fourche pour une faucille. La simple idée
de fixer à 1 700 euros le SMIC relève de la folie ou de la
stupidité. Elle conduirait à la faillite des milliers d’entreprises à
travers tout le pays. Et à ceux qui m’opposeraient la relance de la
consommation, je rétorquerai : relance des importations. Couler notre
économie pour faire le bonheur des Chinois ou des Allemands est tout
sauf une idée digne d’un candidat à la présidentielle.






Je ne vais pas aborder la question du SMIC aujourd'hui. Ce sont les
deux dernières phrases qui sont fascinantes, et qui, je pense,
expliquent bien des choses sur la perception économique de cette droite
si sûre d'elle.



Prenons les choses point par point :




  • Relance de la consommation = relance des importations C'est le
    nerf de la guerre : consommer, c'est importer. Donner des sous au
    peuple et il va préferer l'iPad aux poireaux.



  • Le déficit commercial, c'est la faute aux consommateurs Car
    effectivement, si au lieu d'acheter des écrans plats, nos
    consommateurs achetaient plutôt des Airbus ou, mieux encore, des
    Rafales ou des centrales Aréva, ils contribueraient quelque chose à
    l'économie française. Ce sont les jeunes qui nous coulent, avec leur
    langage SMS et tout ça. Abrutis.



  • Aider économiquement "les gens" c'est en réalité aider les Allemands et les Chinois Dans la guerre économique mondiale,
    toute aide sociale finit, peu ou prou, dans les poches de
    l'ennemi. C'est presque comme si les consommateurs constituaient une
    sorte de "front intérieur", une tentacule de l'ogre chinois, venue
    siphonner notre richesse nationale.





Et la conséquence de tout cela, c'est que la population, celle qui
travaille et consomme, ne sert presque plus à rien. En tout cas, cela
ne sert à rien qu'elle ait de l'argent à dépenser. Le "pouvoir
d'achat" est, pour nos patriotes, non seulement inutile, mais une
fuite potentielle de richesse. Si "les gens" veulent contribuer à la
réussite nationale, la seule chose qu'ils peuvent faire c'est
travailler plus en demandant moins. Il faut qu'ils transférent leur
pouvoir d'achat vers les marges des grandes entreprises.



L'économie n'est plus à nous, nous ne sommes plus que des freins, ni
ouvriers ni consommateurs, juste des enfants dépensiers. L'économie
est ailleurs et il n'y a rien à faire. Et pour autant, mais là je
commence à mordre sur mon futur billet sur Mélenchon, il ne suffira
pas déclarer la "réindustralisation" ou la "démondialisation". Il va
faire falloir trouver autre chose, une autre manière de réintégrer
"les gens" dans leur propre économie en modifiant petit à petit le
terrain de jeu pour favoriser des structures plus petites, des réseaux
plutôt locaux. Il va falloir également, et c'est surtout là où
François Hollande me semble avoir raison, améliorer la qualité globale
du pays, surtout en termes d'éducation et de recherche. Car
l'éducation et la recherche, en plus d'une augmentation de la
compétitivité (si si, monsieur le Président, cela peut se dire en
socialisme), ce sont des moyens de remettre l'accent sur des gens,
plutôt que sur des intérêts.

"Je comprends votre souffrance"

by omelette16oeufs on samedi 7 avril 2012

Les petits gestes, les clins d'oeil, les sourires en coin, les mots
doux discrètement lâchés, du pied sous la table… tout cela ne suffit
plus. Nicolas Sarkozy se décide enfin de déclarer sa flamme aux
électeurs du Front National :



«Aux électeurs du Front national, je dis que je comprends votre
souffrance mais le vote FN ne résoudra aucun des problèmes» pour
lesquels «vous voulez une solution», a affirmé le président-candidat,
ajoutant que «chaque vote FN profitera à la gauche».






C'est vrai que Claude Guéant est parfois un peu trop subtile pour des
électeurs habitués au style beaucoup plus direct de la famille Le
Pen. Alors le courageux Très Grand Homme (TGH) doit mettre les points
sur les "i".



"J-16. Sarkozy appelle les électeurs du FN à voter utile. Jusqu'ici,/ /tout va bien", touittait Brave Patrie. C'est très drôle, et très
pertinent, car s'il y a un électorat qui ne vote pas "utile", c'est
bien celui du Front National.



Quelle souffrance est-ce qu'il comprend, notre Chef d'État ? Il fait
comme si l'on votait Front National parce qu'on s'inquiétait tout
particulièrement des effets néfastes des populations juives et Arabes
sur la Nation Française, un peu comme d'autres électeurs s'inquiètent
pour l'école, leurs retraites ou les déficits.



Pourtant, depuis le temps que Sarkozy, Besson, Hortefeux et Guéant
agitent des chiffons rouges de toutes les couleurs (sans beaucoup de
succès, j'ajoute), ils auraient dû comprendre que la xénophobie n'est
pas un sujet politique rationel. On parle d'"immigrés", par exemple,
quand on veut dire "citoyens français issus de l'immigration
maghrebine des années cinquante et soixante", et on expluse les uns
parce qu'on ne peut pas supporter de voir les autres. La xénophobie
ressemble plus à une maladie mentale qu'à une cause, ou à un
"problème" auquel un Président pourrait chercher une "solution".



Sarkozy a réussi à "siphonner" l'extrême droite en 2007 parce qu'il
promettait de tout faire péter s'il était élu : "tout devient
possible". En promenant Hortefeux devant les électeurs FN, Sarkozy a
réussi à leur suggérer sans vraiment le dire que, élu, la grande
ratonnade pourrait enfin avoir lieu.



Maintenant que Sarkozy a cinq ans de bilan derrière lui, que les
xénophobes souffrent tout autant de leur xénophobie, qu'il n'est plus
possible de promettre de tout faire péter ("pourquoi ne l'a-t-il pas
déjà fait ?"), il ne peut plus générer cette charge émotionnelle qui
fait rêver les oppressés de leur race. C'était prévisible,
d'ailleurs. Et maintenant, pitoyablement, il doit prononcer les mots :
"venez avec moi, on trouvera des 'solutions'". Mais le malade ne veut
pas d'une "solution", sinon il ne serait pas malade. Il veut tout
faire péter, comme toujours.



Sarkozy s'abaisse, et nous rabaisse en même temps (il est encore
Président de la R.). Ce serait comique, surtout l'appel simultané aux
centristes, qui normalement n'ont pas la même idée que lui sur les
"problèmes" et leurs "solutions", si ce n'était pas si grave. Nous
nous rapprochons du "moment Millon", quand on décide qu'il vaut mieux
pactiser que perdre sa place. Ce qui rassure, c'est que pour en être
là, c'est que les choses ne vont pas très bien.

Épuisé

by omelette16oeufs on vendredi 6 avril 2012

Le programme du Très Grand Homme (TGH) est très petit. Presque rien.
"Un programme de Secretaire d'État", dit jegoun. Je laisse aux autres
le soin de le démonter point par point, pour m'émerveiller sur le bide
médiatique, le ratage communicationnel. À force d'envoyer NKM dire que
Hollande n'avait pas de programme, Sarkozy s'est laissé pièger. Je
croyais qu'il allait carrément se passer de programme, et c'est
sûrement ce qu'il aurait dû faire. Sarkozy peut jouer le cancre sur
autant de thèmes qu'il veut, mais malgré son aplomb habituel, je ne
vois mal expliquer que, comme il n'a pas fait l'ENA, qu'il n'a pas
appris à faire des trucs aussi futiles et intellos comme un
programme, si il arrivait qu'on se moque de lui dans un débat par
exemple.



Son programme serait victime de la crise. À part faire moins, on ne
peut rien faire. Paraît-il. François Hollande a raison : "le
programme, c'est le bilan en pire". Sarkozy a tellement donné depuis
cinq ans, que ça devrait suffire pour dix. Il a omis son projet de
passer encore plus de temps au Cap Nègre. Avec l'aide des électeurs,
cela va peut-être devenir possible. J'espère juste qu'il aura des
connexions facile pour faire le trajet à Bordeaux assez souvent, pour
voir le gentil juge.



(Il n'y a rien non plus sur la viande halal. Les Français vont être
déçus, puisque c'était leur souci principal il n'y a pas si longtemps.)



Bref, il ne reste plus rien dans le moteur. Plus d'idées, plus rien,
et plus de marge de manoeuvre. Déjà que les caisses étaient vides
en 2007. Toute cette action, cinq années de gesticulations, de bruit,
de surexposition, pour aboutir à… rien. Pas de perspective, même
bidon. Rien. Enfin si : le permis et les retraites une semaine plus
tôt.

Une passion populaire

by omelette16oeufs on mercredi 4 avril 2012

Pour défendre l'exploitation par son camp des thèmes xénophobes, Henri Guaino disait : "Ne pas prendre en compte les passions populaires
expose à la colère". C'est bien la seule "passion populaire" que la
droite peut citer pour pousser les "électeurs populaires" à voter
contre leur propre intérêt. Mais, pour l'instant, laissons-le dans ses
tentatives desespérées de rallumer la xénophobie. Guaino se trompe de
passion, et de colère.



Nicolas Sarkozy est assez doué pour trouver une expression
"populaire", un emballage "café de commerce" pour faire passer un
programme plutôt Medef. Depuis quatre ans, cependant, il y a un sujet
très populaire qu'il est difficile pour le TGH d'exploiter :
l'anti-sarkozysme lui-même. Qu'il soit primaire ou populaire, ce
sentiment lui a effectivement explosé à la figure, avec pour resultat
ces sondages têtus, qui jusqu'à présent résistent à tous les efforts
de la machine de l'Union Médiatique du Pouvoir.



Le sarkozysme est une outrance de la communication. Je pense
qu'aujourd'hui nous sommes, les pro- comme les anti-, tellement
dedans, encore, qu'on a du mal à se rendre compte du caractère
exceptionnel de cette hystérie collective. Je sais que si, à la place
de Nicolas Sarkozy, une sorte de deuxième Chirac avait été élu en
2007, je n'aurais jamais même songé à créer un blog. Je n'aurai pas
été atteint de cette passion populaire. La pratique sarkozyste des
médias et du pouvoir est une sorte d'excitation permanente de
l'ensemble de la sphère publique, et la projection des agissements
d'un seul bonhomme sur une scène démésurément grande.



S'il reste quelque chose du gaullisme chez Sarkozy, c'est la démesure
mythologique. Chez de Gaulle, si l'on veut, la mythologie était censée
assurée la cohésion et la fièreté de la Nation. Chez Sarkozy, elle est
autoréférentielle et ne sert que les intérêts de Sarkozy lui-même. Un
narcissisme médiatique et euphorie communicationnelle qui, finalement,
se sont même retournés contre l'Arroseur en Chef.



Même quand il est purement négatif, ce buzz assourdissant risque de
noyer les opposants à Sarkozy. Le pari de François Hollande est de
battre Sarkozy sans faire du Sarkozy. On lui reproche, Sarkozy le
premier, de ne pas susciter une grande vague d'adhésion populaire. À
gauche, seule Ségolène Royal pouvait rivaliser avec Sarkozy en termes
de comm', de dimension mythologisante, d'adhésion populaire. Cette
ligne-là, à gauche, comporte certains risques. De toute façon,
François Hollande ne pouvait pas l'adopter. La passion anti-sarkozyste
peut lui permettre d'en faire l'économie.



Refuser d'être comme Sarkozy pourrait être la meilleure réfutation du
sarkozysme, et pourrait signifier que Sarkozy n'aurait été un accident
de parcours, une erreur démocratique qui aura duré cinq ans mais qui
n'aura pas de suite, la rencontre malheureuse des dérives mythologique
de la Ve République et l'avalanche communicationnelle du XXIe
siècle. Hollande, en président "normal" serait une manière de fermer
la parenthèse.

Hollande, Mélenchon, utile, gauche...

by omelette16oeufs on lundi 2 avril 2012

La présidentialisme a peu à peu supprimer l'importance de toutes les
autres élections, du moins sur le plan national. Voter, c'est voter
pour un président. Point. Ou presque point. Et en même temps, il n'y
a qu'un gagnant et quasiment aucune possibilité de partage entre des
sensibilités. Nous sommes entre ces deux réalités, tant que personne
n'aura le courage de modifier le système en lui rendant son caractère
parlémentaire, et même en allant bien plus loin dans cette
direction. (Et "une dose de proportionelle", même une dose de cheval,
ne servira à rien tant que l'Assemblée Nationale ne servira à rien.)



Pour l'instant, il ne peut y avoir qu'un seul. Un seul homme. D'où
cette tendance au culte du sur-homme, et ces exigences
(contradictoires) de quelqu'un de "sympa". On peut espérer que
l'ascension et le règne de Nicolas Sarkozy serviront aux
constitutionalistes du futur comme contre-exemple absolu : comment
faire pour éviter cela ?



En attendant cette lucidité future, malheureusement improbable et
utopique, nous voilà collés avec ce système qui centralise tout sur le
petit cerveau d'un seul bonhomme. Et le moment de le choisir est aussi
l'unique moment où le peuple peut s'exprimer de façon
significative. Que faire si par hasard aucun des deux candidats ne
vous convient en tant véhicule pour ce que vous voulez dire au pays
et au monde ?



La gauche est un ensemble assez hétérogène, idéologiquement parlant,
sans doute pour des raisons idéologiques justement : esprit critique,
non conformisme, liberté de pensée, refus des injustices. On peut être
"de gauche" pour des raisons très diverses. Il y a des différences à
droite aussi, mais, vu de l'extérieur du moins, elles paraissent moins
essentielles, et plutôt une question de degré que des véritables
lignes de fracture. Même les Front National, ou en tout cas ses idées,
a finit par trouver sa place dans la grande famille de la
droite. L'UMPéisation des esprits a achevé de gommer les différences
entre les libéraux et les étatiste gaullisants. Sarkozy a réussi à
transformer tout cela en bouilli et réduire la pensée politique à une
question de niveau de décomplexitude (ou décomplexisance ?). Après
tout, pourquoi finasser sur le sens du politique, quand la seule
chose qui compte est de gagner une élection tous les cinq ans ?



À gauche, donc, c'est moins décomplexé et plus compliqué, et il on a
plus envie de s'exprimer. Et on se retrouve à chaque fois devant cette
question du vote "utile" : voter contre celui que l'on préfère afin
d'assurer l'échec du candidat que l'on redoute. Je formule la chose
négativement à dessein. C'est effectivement triste, cette invitation,
parfois une obligation, à se défaire de sa seule chance de s'exprimer
par une sorte de calcul au bénéfice d'un Parti Socialiste en qui on ne
se reconnaît peut-etre plus, d'un Parti Socialiste qui en cinq ans n'a
pas su rendre assez percutant, décisif, assez sexy en somme.



D'abord, je le dis, même si c'est triste, c'est la réalité des choses,
la réalité de cette Ve République faite pour fabriquer des de Gaulle
en carton-pâte, rendue, par la force du quinquennat, encore plus
triste et encore plus cadenassée (quinquenadassée, j'aime
dire). Ignorer cela, c'est tomber dans le piège d'un système qui, en
53 ans, n'a vu qu'un seul président de gauche, dans l'illusion de l'État
comme véritable reflet démocratique du peuple. Plutôt que "vote
utile", je dirais : "vote réaliste".



Car ensuite, on peut parler des mérites des
candidats. Personnellement, j'ai passé la plus grande partie de ces
cinq dernières années frustré par cuisine interne du PS, en espérant
un renouveau qui serait, en autres, un renouveau en termes de
communication et de message. Le PS s'est laissé bercer trop longtemps
par les sondages favorables à DSK. Longtemps, Hollande et sa
"présidence normale" faisaient sourire. Aujourd'hui, il semble qu'il
n'avait pas tout à fait tort. Sur Hollande lui-même, sans la
perspective du choix entre lui et Jean-Luc Mélenchon :




  1. Une présidence de Hollande, même si ce n'est pas un gauchiste pur
    et dur, serait beaucoup plus à gauche qu'un deuxième mandat de
    Sarkozy (qui n'aurait même plus peur de ne pas être réélu). Rien
    que pour le seul domaine de la justice, la différence serait
    énorme. Le reste du programme est intéressant aussi, et représente
    une énorme différence avec ce qui a été fait depuis 10 ans, et ce
    qui se ferait pendant 5 ans encore avec un Très Grand Homme (TGH)
    réélu.


  2. Hollande ne peut pas, ne pourrait pas se placer comme Mélenchon,
    car là, la machine UMP à dénigrer et à faire peur se mettrait en
    marche. On nous parlerait presque des chars Soviétiques sur le
    Champs-Elysées, la bave au lèvres.


  3. Mélenchon peut réussir sa campagne parce qu'il y a François
    Hollande à côté, pour nous rassurer sur l'issue.


  4. Enfin, c'est une bonne chose malgré tout que "le troisième homme"
    de cette élection soit à gauche, et pas à droite comme
    en 2007. Pour cela, nous pouvons remercier le talent de Mélenchon.





Votez comme vous voulez, mais pas à droite. Et n'oubliez pas que le
premier tour de la présidentielle n'est pas une élection législative.